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La semaine de la procédure pénale

Pénal - Procédure pénale
26/10/2020
Présentation des dispositifs des derniers arrêts publiés au Bulletin criminel de la Cour de cassation, en procédure pénale.

Action civile
« Il résulte de l’arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.
Mme X..., chargée de l’approvisionnement du distributeur de billets de banque d’un centre commercial appartenant à la société Saumur Distribution, a été déclarée coupable par le tribunal correctionnel du vol de la somme de 120 720 euros commis entre le 31 août 2007 et le 31 août 2015.
Elle a été condamnée à payer à cette société, constituée partie civile, la somme de 125 000 euros à titre de dommages intérêts au titre du préjudice tant matériel que moral.
Elle a relevé appel du seul dispositif civil de cette décision.
Vu les articles 2 du code de procédure pénale et 1382, devenu 1240 du Code civil :
Il résulte de ces textes que lorsque plusieurs fautes ont concouru à la production du dommage, la responsabilité de leurs auteurs se trouve engagée dans une mesure dont l’appréciation appartient souverainement aux juges du fond. Est de nature à constituer une telle faute le fait, pour la victime, de ne pas avoir pris les précautions utiles pour éviter le dommage.
Pour déclarer la prévenue entièrement responsable du préjudice subi et la condamner au paiement de dommages-intérêts correspondant à l’intégralité du préjudice matériel, l’arrêt attaqué énonce que, dans les rapports entre voleur et victime, la circonstance selon laquelle le propriétaire d’un bien n’aurait pas pris toutes les mesures utiles pour éviter d’être dépossédé ne s’analyse pas en une faute de nature à limiter son droit à indemnisation.
En se déterminant ainsi, la cour d’appel a méconnu les textes susvisés et le principe ci-dessus énoncé
».
Cass. crim., 20 oct. 2020, n° 19-84.641, P+B+I *

Aménagement de la peine d'emprisonnement - application de la loi pénale dans le temps
« Il résulte de l’arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.
Poursuivi des chefs susvisés devant le tribunal correctionnel pour des faits commis au cours du mois de mai 2014, M. F... A... a été condamné à deux ans d’emprisonnement dont dix-huit mois avec sursis et mise à l’épreuve.
M. F..., le ministère public et la partie civile ont relevé appel de cette décision.
(…) Bien que l’arrêt attaqué ait été rendu avant l’entrée en vigueur, le 24 mars 2020, de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019, il importe de déterminer au préalable si les dispositions de cette loi relatives au prononcé et à l’aménagement de la peine d’emprisonnement sans sursis sont susceptibles de constituer une loi pénale moins sévère qui, par application de l’article 112-1, alinéa 3, du Code pénal, devrait s’appliquer aux infractions n’ayant pas donné lieu à une condamnation passée en force de chose jugée.
Dans un tel cas en effet, la Cour de cassation devrait, sans examiner les moyens qui critiquent l’arrêt attaqué au regard de la loi ancienne, annuler cet arrêt afin que l’affaire soit jugée à nouveau selon les dispositions de la loi nouvelle.
A cet égard, en premier lieu, il convient de déterminer si les dispositions relatives au prononcé et à l’aménagement de la peine d’emprisonnement sans sursis, qui figurent à l’article 74 de ladite loi, lequel modifie ou créé notamment les articles 132-19, 132-25 et 132-26 du code pénal et 464-2, 474 et 723-15 du code de procédure pénale, forment un ensemble indivisible qui devrait faire l’objet d’une comparaison globale avec la législation antérieure.
Le rapport annexé à la loi du 23 mars 2019 énonce le double objectif poursuivi par le législateur : limiter le recours aux courtes peines d’emprisonnement, d’une part, rendre effectives les peines d’emprisonnement prononcées pour des durées plus longues, d’autre part.
A ces fins, notamment, sont prohibées les peines d’emprisonnement sans sursis inférieures ou égales à un mois, tandis que le principe d’un aménagement des peines d’emprisonnement inférieures ou égales à six mois est mis en oeuvre par une obligation de motivation renforcée du refus d’un tel aménagement.
Par ailleurs, est supprimée, sans autre mesure corrélative, la possibilité d’un aménagement des peines d’emprisonnement comprises entre un et deux ans, que ce soit par la juridiction qui prononce la peine ou par le juge de l’application des peines, comme est instituée la faculté, pour la juridiction, de délivrer un mandat de dépôt à effet différé lorsque l’emprisonnement est d’au moins six mois.
Ces dispositions relèvent, pour certaines, de la catégorie des peines, pour d’autres des formes de la procédure, pour d’autres encore du régime de l’exécution des peines. Certaines figurent dans le code pénal, d’autres dans le code de procédure pénale.
Il en résulte qu’elles doivent, au regard de leur application dans le temps, être envisagées séparément les unes des autres.
Dès lors, en deuxième lieu, il importe de rechercher si, considérées individuellement, les dispositions qui privent les juridictions correctionnelles de la faculté d’aménager les peines d’emprisonnement qu’elles prononcent, lorsque celles-ci sont supérieures à un an d’emprisonnement, entrent dans la catégorie des lois relatives aux peines visées à l’article 112-1, dans celle des lois fixant les modalités de poursuites et les formes de la procédure visées à l’article 112-2, 2°, ou dans celle des lois relatives au régime d’exécution et d’application des peines visées à l’article 112-2, 3°, du code pénal.
Il pouvait être envisagé que, prises dans leur ensemble, les dispositions relatives au prononcé et à la mise à exécution des peines d’emprisonnement, issues de la loi nouvelle, soient considérées comme fixant des modalités de poursuites et des règles de procédure.
Tel n’est pas le cas d’un texte qui supprime la possibilité d’aménager une peine d’emprisonnement, dès lors qu’il est pris isolément.
Aussi ces dispositions ne peuvent-elles être classées que dans la catégorie des lois relatives aux peines ou dans celle des lois relatives au régime d’exécution et d’application des peines.
Jusqu’à présent la Cour de cassation a fait une distinction selon que la mesure d’aménagement avait été prononcée par le juge de l’application des peines ou par la juridiction de jugement. Elle a jugé que les premières ressortissaient aux lois d’exécution et d’application des peines (Crim., 9 juin 2010, pourvoi n°09-87.677) tandis que les secondes relevaient des lois de pénalité (Crim., 5 novembre 2013, pourvoi n° 12-85.387).
Cette distinction doit être abandonnée, dès lors que le législateur a réaffirmé le principe selon lequel la juridiction de jugement qui prononce une courte peine d’emprisonnement doit immédiatement envisager son aménagement.
Or, de quelque juridiction qu’elle émane, la décision portant sur l’aménagement se distingue de celle par laquelle la peine est prononcée. Les fins que l’une et l’autre poursuivent et les critères sur lesquels elles se fondent respectivement sont différents.
Aussi l’aménagement de peine constitue-t-il, même lorsqu’il émane de la juridiction de jugement, un dispositif relatif au régime d’exécution et d’application des peines. L’application dans le temps d’une telle mesure obéit par conséquent aux règles définies par l’article 112-2, 3°, du Code pénal.
En troisième et dernier lieu, se pose la question de savoir si les nouvelles dispositions sont ou non plus sévères. En effet, l’article précité dispose que les lois relatives au régime d’exécution et d’application des peines, lorsqu’elles auraient pour résultat de rendre plus sévères les peines prononcées par la décision de condamnation, ne sont applicables qu’aux condamnations prononcées pour des faits commis postérieurement à leur entrée en vigueur.
Tel est le cas des dispositions de la loi du 23 mars 2019 qui interdisent tout aménagement des peines d’emprisonnement sans sursis d’une durée comprise entre un et deux ans.
Il s’en déduit que ces nouvelles dispositions, plus sévères, ne sauraient recevoir application dans le cas d’espèce, s’agissant de faits commis avant leur entrée en vigueur
».
Cass. crim., 20 oct. 2020, n° 19-84.754, P+B+I *
 
Restitution
« Il résulte de l’arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.
M. A... X... a été poursuivi devant le tribunal correctionnel des chefs de blanchiment en bande organisée et association de malfaiteurs.
Il lui est notamment reproché d’avoir apporté son concours à l’opération de blanchiment du produit du délit de fraude fiscale susceptible d’avoir été commis par B... Y..., en organisant l’acquisition par ce dernier d’un appartement situé 8-18 avenue Montaigne à Paris (75008), au moyen de fonds non déclarés par lui à l’administration fiscale, par l’intermédiaire de la société britannique Yewdale Ltd., gérée par M. X..., et de la société panaméenne Mochita Holding Corp. constituée par B... Y... et ses enfants pour les besoins de l’opération.
L’immeuble aurait ainsi été acquis par la société Yewdale Ltd. par acte en date du 24 novembre 2011, en exécution d’un contrat de mandat conclu avec la société Mochita Holding Corp. aux termes duquel la mandataire devait agir en son nom propre sur une base non divulguée pour le compte et le seul bénéfice ainsi que sous l’entière responsabilité et risque de la mandante.
Par requête en date du 20 juin 2018, la société Mochita Holding Corp. a sollicité du tribunal correctionnel la restitution de l’immeuble dont elle alléguait être la propriétaire de bonne foi.
Par jugement en date du 19 octobre 2018, le tribunal a déclaré M. X... coupable des faits qui lui sont reprochés et a notamment ordonné la confiscation de l’immeuble.
Par un second jugement du même jour, le tribunal a rejeté la requête en restitution.
M. X... a interjeté appel de la décision l’ayant condamné.
Par arrêt n° 272 en date du 23 octobre 2019, la cour d’appel a confirmé le jugement de condamnation de M. X... et la peine complémentaire de confiscation.
Les pourvois formés contre cet arrêt ont été rejetés par arrêt distinct de ce jour (Crim., 21 octobre 2020, pourvoi n° 19-87.190).
Le conseil de la société Mochita Holding Corp. a par ailleurs interjeté appel du jugement ayant rejeté sa requête en restitution.
(… ) Il résulte de l’article 1er du protocole additionnel n°1 à la Convention européenne des droits de l’homme, tel qu’interprété par la Cour européenne des droits de l’homme, que toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens et que, si ces dispositions ne portent pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu’ils jugent nécessaires pour réglementer l’usage des biens conformément à l’intérêt général, les intéressés doivent bénéficier d’une procédure équitable, qui comprend le droit au caractère contradictoire de l’instance.
 Il s’en déduit que la juridiction correctionnelle qui statue sur la requête en restitution d’un objet placé sous main de justice présentée par un tiers est tenue de s’assurer, si la saisie a été opérée entre ses mains ou s’il justifie être titulaire de droits sur le bien dont la restitution est sollicitée, que lui ont été communiqués en temps utile, outre les procès-verbaux de saisie ou, en cas de saisie spéciale, les réquisitions aux fins de saisie, l’ordonnance et, le cas échéant, la décision de saisie, conformément au deuxième alinéa de l’article 479 du code de procédure pénale, les pièces précisément identifiées de la procédure sur lesquelles elle se fonde dans ses motifs décisoires.
Au besoin, il appartient à la juridiction correctionnelle de renvoyer l’examen de la demande de restitution à une audience ultérieure après avoir statué sur la culpabilité et sur la peine, sans que puisse être opposée au tiers requérant l’autorité de la chose jugée de la décision ayant éventuellement ordonné la confiscation, ni que puisse être exécutée cette mesure tant qu’il n’a pas été définitivement statué sur la demande de restitution.
Pour rejeter la requête de la société Mochita Holding Corp., l’arrêt relève, après avoir établi que la société Yewdale Ltd. peut seule être considérée comme propriétaire de l’immeuble dont la restitution est sollicitée, que contrairement à ce qui est exposé par la requérante, la procédure a parfaitement établi les infractions de blanchiment commises par M. X..., dont la condamnation a été confirmée par arrêt distinct du même jour et que ces faits ont été commis notamment au moyen de la société Yewdale Ltd. et portaient entre autres sur les fonds détenus par B... Y..., dans le cadre précisément de l’opération concernant l’appartement dont la restitution est sollicitée, et qui a également conduit à la condamnation de son fils M. C... Y..., représentant légal de la société Mochita Holding Corp., dans la même affaire.
Les juges ajoutent que l’accord dit « fiduciairy agreement » entre les deux sociétés, aux termes duquel la requérante entend revendiquer la propriété du bien, ne peut lui permettre de justifier la qualité de propriétaire de bonne foi, cet accord ayant précisément pour finalité de permettre une opération de blanchiment dont elle avait parfaitement connaissance pour y avoir participé en la finançant, comportement lui interdisant d’exciper de toute bonne foi au regard des faits poursuivis.
En se déterminant ainsi, dès lors que la société Mochita Holding Corp., qui n’était pas détentrice de l’immeuble au moment de sa saisie, n’a pas justifié être titulaire de droits sur celui-ci, en sorte qu’il n’y avait pas lieu à communication des pièces de la procédure, la cour d’appel a justifié sa décision sans méconnaître les textes visés au moyen.
Ainsi le moyen ne saurait être accueilli.
Par ailleurs, l’arrêt est régulier en la forme »
 Cass. crim., 21 oct. 2020, n° 19-87.071, P+B+I *

 
Action civile
« Il résulte de l’arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.
Le 29 mai 2015, M. X... a porté plainte et s’est constitué partie civile des chefs susvisés, en raison d’attestations produites devant le juge aux affaires familiales par la mère de son enfant.
Par ordonnance du 8 janvier 2019, le juge d’instruction a dit n’y avoir lieu à suivre, et a condamné M. X... à une amende civile de 1 000 euros.
Il en a relevé appel.
(…) Pour condamner à une amende civile de 1 000 euros M. X..., l’arrêt énonce qu’il a été débouté de sa demande devant les juridictions civiles sur le seul critère de l’intérêt de l’enfant, et non en considération des attestations contestées ; que son action pénale, au soutien de son action civile, apparaît d’autant moins justifiée qu’elle semble faire fi de l’intérêt de son enfant, comme souligné par la cour d’appel dans l’arrêt du 9 juin 2016 rejetant la requête en adjonction de prénom, ainsi que par le magistrat instructeur dans l’ordonnance querellée.
Les juges ajoutent que c’est donc par une juste motivation que le magistrat instructeur a considéré comme abusive la constitution de partie civile de M. X... et que la condamnation à une amende civile sera confirmée.
En statuant ainsi, la chambre de l’instruction a justifié sa décision.
En effet, il ne ressort ni du mémoire déposé par la partie civile devant la chambre de l’instruction, versé au dossier de la procédure, ni des énonciations de l’arrêt, que M. X..., représenté par son avocat, et qui n’a fourni aucun élément concernant ses ressources et ses charges, se soit prévalu devant la juridiction du second degré de l’absence de prise en compte de celles-ci par le premier juge qui a prononcé une amende civile.
Dès lors, le moyen ne peut être accueilli.
Par ailleurs, l’arrêt est régulier en la forme »
 Cass. crim., 21 oct. 2020, n° 19-87.492, P+B+I *


*Le lien vers la référence documentaire sera actif à partir du 26 novembre 2020

 
Source : Actualités du droit