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Coronavirus : le « confinement » organisé par décret

Public - Droit public général
18/03/2020
« La liberté est la règle, la restriction, l’exception » avait déclaré le commissaire du gouvernement Corneille dans ses conclusions sur l’arrêt Baldy en 1917. Un siècle plus tard, c’est face à la pandémie liée au coronavirus qu’un décret vient restreindre l’une de nos libertés les plus fondamentales, celle d’aller et venir. Retour sur le décret n° 2020-260 du 16 mars 2020 portant réglementation des déplacements dans le cadre de la lutte contre la propagation du virus covid-19.
À la suite de la fermeture des restaurants et débits de boisson par l’arrêté du 14 mars 2020 (NOR : SSAZ2007749A, JO 15 mars), le décret n° 2020-260 du 16 mars 2020 portant réglementation des déplacements dans le cadre de la lutte contre la propagation du virus covid-19 vient restreindre très largement les déplacements.
 
Interdiction de se déplacer
 
Ainsi, sont interdits tous les déplacements hors du domicile, à l’exception des déplacements pour les motifs suivants :
 
  • trajets entre le domicile et le ou les lieux d'exercice de l'activité professionnelle et déplacements professionnels insusceptibles d'être différés ;
  • déplacements pour effectuer des achats de fournitures nécessaires à l'activité professionnelle et des achats de première nécessité dans des établissements dont les activités demeurent autorisées par arrêté du ministre chargé de la santé pris sur le fondement des dispositions de l'article L. 3131-1 du code de la santé publique ;
  • déplacements pour motif de santé ;
  • déplacements pour motif familial impérieux, pour l'assistance des personnes vulnérables ou pour la garde d'enfants ;
  • déplacements brefs, à proximité du domicile, liés à l'activité physique individuelle des personnes, à l'exclusion de toute pratique sportive collective, et aux besoins des animaux de compagnie.
 
Le texte autorise le préfet de département à adopter des mesures plus restrictives « lorsque les circonstances locales l’exigent ».
 
Le décret prévoit que chaque personne doit se munir, pout tout déplacement, d’un document justifiant du motif de ce déplacement. Ce document consiste en une attestation sur l’honneur, téléchargeable notamment sur le site Internet du ministère de l’Intérieur.
 
Parmi cette liste limitative des motifs de sorties, certains restent vagues, et notamment les « déplacements brefs, à proximité du domicile », pour lesquels aucun périmètre n’a été défini. Des verbalisations du dépassement de la « proximité du domicile » pourraient ainsi donner lieu à des contentieux au cours des prochains mois.
 
Amende forfaitaire de 4e classe
 
L’amende initialement prévue était celle correspondant à une contravention de 1re classe (38 euros), au titre des articles 131-13 et R. 610-5 du code pénal. Publié le 18 mars, le décret n° 2020-264 du 17 mars 2020 crée une contravention de 4e classe réprimant la violation de ce décret du 16 mars.
 
Une amende d’un montant forfaitaire de 135 euros, et d’un montant forfaitaire majoré de 375 euros, sera appliquée en cas de méconnaissance :
  • des interdictions de se déplacer hors de son domicile définies à l’article 1er du décret n° 2020-260 ;
  • de l’obligation de se munir d’un document justifiant d’un déplacement autorisé ;
  • des éventuelles mesures plus restrictives adoptées par le préfet au regard des circonstances locales.
 
 
La valeur constitutionnelle de la liberté d’aller et venir a été consacrée par le Conseil constitutionnel dans sa décision concernant la loi relative à certains ouvrages reliant les voies nationales ou départementales (Cons. Const., 7 déc. 1979, n° 79-107 DC).

Le 4e protocole additionnel à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme consacre également cette liberté à son article 2 « liberté de circulation », dont le 3ème alinéa prévoit que « l’exercice (du droit de circuler librement) ne peut faire l’objet d’autres restrictions que celles qui, prévues par la loi, constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au maintien de l’ordre public (…), à la protection de la santé (…) ».

Des motifs tenant à la santé peuvent donc justifier une restriction de la liberté d’aller et venir. Un autre élément permet de limiter cette liberté, à savoir les circonstances exceptionnelles, théorie consacrée par le Conseil d’État dans son arrêt Dames Dol et Laurent (CE, 28 févr. 1919, n° 61593).
 
C’est certainement en partie sur le fondement de cette théorie qu’a été adopté le décret du 16 mars 2020, pris au visa de l’urgence et des « circonstances exceptionnelles découlant de l'épidémie de covid-19 ».
 

Mise à jour : Trois exceptions ont été ajoutées à cette liste par un décret publié le 20 mars au Journal officiel (D. n° 2020-279, 19 mars 2020, JO 20 mars) :
  • les « déplacements résultant d’une obligation de présentation aux services de police ou de gendarmerie nationales ou à tout autre service ou professionnel, imposée par l'autorité de police administrative ou l'autorité judiciaire » ;
  • les « déplacements résultant d'une convocation émanant d'une juridiction administrative ou de l'autorité judiciaire » ;
  • et les « déplacements aux seules fins de participer à des missions d'intérêt général sur demande de l'autorité administrative et dans les conditions qu'elle précise ».
Source : Actualités du droit