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Portail du justiciable : deux arrêtés précisent le cadre juridique et technologique

Tech&droit - Données
Civil - Procédure civile et voies d'exécution
07/06/2019
C’est l’un des trois pans du projet Portalis de dématérialisation de la procédure civile, avec le portail des juridictions et celui du service d'accueil unique du justiciable (SAUJ). Deux arrêtés parus au Journal officiel du 6 juin 2019 viennent encadrer le déploiement du portail du justiciable. Avec une autorisation de traitement automatisé des données et des précisions techniques sur les échanges entre justiciables et juridictions.
Pour accélérer sa transformation numérique, le ministère de la Justice développe actuellement trois portails (pour en savoir plus, v. Audrey Hilaire, chef de projet PORTALIS à la DSJ : « Le vrai saut numérique pour le ministère de la Justice, c'est le portail du justiciable, en service au premier semestre 2019 », Actualités du droit, 7 déc. 2018). Les deux arrêtés qui viennent d’être publiés concernent le portail du justiciable, prévu pour être mis en service au premier semestre 2019.
 
Que permet ce portail du justiciable ? C’est en fait une application web, dont l’objectif est d’organiser la communication par voie électronique des informations relatives à l'état d'avancement des procédures civiles.

Peuvent ainsi y être échangés, des avis, convocations et récépissés émis par le greffe d'un :
  • tribunal d'instance ;
  • tribunal paritaire des baux ruraux ;
  • tribunal de grande instance ;
  • conseil de prud'hommes ;
  • cour d'appel.
Précisions sur le traitement automatisé de données à caractère personnel
En application de l’article 748 du Code de procédure civile (tel que modifié par le décret n° 2019-402 du 3 mai 2019, portant diverses mesures relatives à la communication électronique en matière civile et à la notification des actes à l'étranger, JO 4 mai), un arrêté devait venir préciser les procédés techniques utilisés pour garantir :
  • la fiabilité de l'identification des parties à la communication électronique ;
  • l'intégrité des documents dressés ;
  • la sécurité et la confidentialité des échanges ;
  • conservation des transmissions opérées et permettre d'établir de manière certaine la date d'envoi.
Chose faite avec l’arrêté du 28 mai 2019 (Arr. 28 mai 2019, NOR : JUST1915427A, JO 6 juin). Concrètement, est autorisée la mise en place d’un traitement automatisé de données à caractère personnel collectées, qui fonctionne bien entendu sur la base des fichiers sources des applications informatiques des juridictions civiles.
 
Les objectifs de ce traitement sont les suivants :
  • la consultation à distance par le justiciable de l'état d'avancement de son affaire judiciaire sur un portail personnel et sécurisé ;
  • l'accès, grâce à une transmission sécurisée sur le portail, à certains documents dématérialisés, relatifs à ces mêmes procédures (avis, convocations, récépissés, etc.) ;
  • la consultation d'une affaire judiciaire, aux fins d'information du justiciable, par les agents de greffe habilités, via le portail du service d'accueil unique du justiciable, service interne au ministère de la Justice ;
  • la réalisation de statistiques.
  Et les données à caractère personnel visées sont :
  • l'indication du consentement/absence de consentement de l'utilisateur ;
  • l'adresse électronique du justiciable ;
  • le numéro de téléphone mobile du justiciable ;
  • le numéro d'affaire Portalis ;
  • la clé de fédération générée par FranceConnect ;
  • le nom de la juridiction en charge de l'affaire ;
  • la date de saisine de la juridiction ;
  • la nature de l'affaire ;
  • les éléments identifiant les parties  : civilité, nom, nom d'usage, prénom(s), date de naissance, raison sociale et forme juridique pour les personnes morales, le titre pour les autorités administratives  ainsi que la qualité dans l'affaire ;
  • les éléments d'identification des représentants des parties : nom, prénom, barreau et civilité pour l'avocat ; civilité, nom et prénom pour le délégué syndical  ; nom et prénom du représentant légal ;
  • le statut de l'affaire : en cours, suspendue, terminée, jugée, classée, faisant l'objet d'un recours, dossier rattaché à un autre dossier, mesure de protection e  cours et mesure de protection terminée ;
  • les éléments relatifs aux audiences : les date, heure, lieu et nature de l'audience.
 Seront habilités à accéder à ces données deux catégories de personnes :
  • le justiciable, à la condition qu’il ait préalablement consenti à la dématérialisation de son affaire ;
  • les agents de greffe affectés dans un SAUJ, sous réserve qu’ils aient été individuellement habilités par le directeur de greffe.
Ces données sont conservées pendant toute la procédure et, ensuite, pour une durée d'un an à compter de la date de la clôture du dossier (aucun archivage ; droits d'accès, de rectification et à la limitation du traitement et droit d'opposition, auprès du ministère de la justice, 13, place Vendôme, 75001 Paris).
 
Si des modifications doivent intervenir sur ce traitement, elles seront mentionnées dans un historique pendant 6 mois.

L’organisation des échanges avec le portail
Cet arrêté est pris pour l’application des articles 1365 à 1368 du Code civil et des articles 748-1  à 748-8 du Code de procédure civile.
 
Sécurité.– L’article 2 de l’arrêté du 6 mai 2019 (NOR : JUST1913143A) précise que « le système de communication électronique mis à disposition des agents du ministère de la justice chargés du traitement et de l'exploitation des informations recueillies ou expédiées par la voie électronique depuis les applications civiles vers le « Portail du justiciable », conformément aux dispositions de l'article 748-8 du Code de procédure civile, est un système d'information fondé sur les procédés techniques d'envoi automatisé de données et d'éditions ».
 
En pratique, les agents accèdent aux applications civiles via le réseau privé virtuel justice, étant précisé que « les accès à ces applications sont contrôlés par un procédé d'identification et d'authentification strictement personnel » (Arr. 6 mai 2019, NOR : JUST1913143A, art. 3, JO 6 juin).
 
Autre précision, l'adresse de messagerie du justiciable peut être hébergée par un serveur de messagerie localisé au sein du réseau ouvert au public internet. La structure de l'adresse de messagerie, permettant d'identifier la personne, est libre.
 
Les données sont synchronisées sur le serveur du réseau privé virtuel justice, lui-même synchronisé sur plusieurs serveurs de temps reconnus au plan international. Et la réception ou l'expédition d'un message par le système d'information « Portail du justiciable » fait l'objet de l'enregistrement de ses données de transmission dans un journal de l'historique des messages échangés.
 
Quant aux courriels expédiés par la juridiction, comme le journal de l'historique des échanges, ils sont enregistrés et conservés pendant un an à compter de la clôture du dossier, au moyen de dispositifs de stockage de chaque juridiction.
 
Un accès dématérialisé qui repose sur le consentement du justiciable.– Les justiciables y accèdent de leur côté via le site sécurisé www.monespace.justice.fr.
 
Pour pouvoir consulter son dossier sur son compte sur ce site, le justiciable doit, au préalable, consentir à la communication électronique auprès de la juridiction (le suivi numérique est bien une option ; les justiciables peuvent choisir de continuer à échanger par courriers avec les juridictions).
 
Pour que ce consentement soit valide, « le justiciable doit nécessairement communiquer à la juridiction un numéro de téléphone portable et une adresse courriel valides. Il lui revient de signaler à la juridiction toute modification ultérieure » (Arr. 6 mai 2019, NOR : JUST1913143, art. 7, JO 6 juin).
 
Ensuite, il accède à son espace personnel au moyen de FranceConnect, une brique de contrôle de l’identité d'un utilisateur (Arr. 24 juill. 2015, NOR : PRMJ1518229A, JO 6 août 2015). FranceConnect est un facilitateur d’accès aux comptes utilisés de manière récurrente (Caisse d’allocation familiale, Ameli, impôts, permis, etc.), qui s’appuie sur des comptes existants pour lesquels son identité a déjà été vérifiée.

Ce consentement :
  • porte précisément sur une affaire donnée (à renouveler, donc, si plusieurs affaires en cours) ;
  • lui donne accès, via son espace personnel, aux informations propres à la procédure suivie ;
  • une fois ce choix opéré, le justiciable ne pourra plus demander l’envoi de ces documents par lettre simple, par lettre recommandée sans avis de réception ou par tous moyens par le greffe de la juridiction ;
  • ces informations sont au format .pdf ;
  • si en cours de procédure, alors qu’il avait préalablement renoncé à suivre de façon dématérialisée la procédure, le justiciable peut à tout moment, par écrit via le formulaire CERFA dédié ou par déclaration formulée par procès-verbal de greffe ou d'un agent assermenté changer d’avis ; le consentement donné est alors irrévocable pour la procédure en cause.
Comment fonctionne le suivi dématérialisé d’une affaire ?– Concrètement, « la visualisation (de la procédure) n'est possible que si le justiciable a, au préalable, rattaché son affaire à son compte. Ce rattachement se fait au moyen d'un numéro d'identification (numéro propre au justiciable et unique à chaque affaire) envoyé sur son adresse courriel et d'un code temporaire envoyé à son numéro de téléphone portable. L'adresse courriel et le numéro de téléphone portable sont ceux déclarés par le justiciable » (Arr. 6 mai 2019, NOR : JUST1913143A, art. 7, JO 6 juin).

Ensuite, le justiciable va recevoir par courriel les notifications de mise à jour relatives à l'état d'avancement de la procédure le concernant (messages génériques ne comportant pas de données confidentielles).

Et les rappels d'audience ou d'auditions sont communiqués sur le téléphone portable déclaré par le justiciable.
Source : Actualités du droit