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Changement de qualification entre l’enquête et les poursuites : les biens saisis gardent-ils leur caractère confiscable ?

Pénal - Procédure pénale
21/11/2019
La Cour de cassation a eu à se prononcer sur l’évolution des qualifications entre l’enquête et les poursuites, et ses effets sur l’assiette de la saisie. Attention au caractère confiscable des biens saisis au regard des infractions poursuivies.
Un homme est soupçonné d’avoir procédé de manière non déclarée au transport aérien rémunéré de passagers grâce à un aéronef acheté par l’intermédiaire d’un trustee. Dans le cadre de l’enquête préliminaire diligentée à son encontre, un officier de police judiciaire, sur autorisation du procureur de la République, a saisi la somme de 13 000 euros sur un compte dont il est le titulaire. Cette somme a été virée sur le compte de l’Agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués.  
 
Le juge des libertés et de la détention a autorisé le « maintien de la saisie du solde créditeur » de ce compte. L’intéressé a contesté cette décision.
 
La cour d’appel a confirmé l’ordonnance estimant que la personne soupçonnée encourt « la peine complémentaire de confiscation dans les conditions de l’article 131-21 du Code pénal comme étant soupçonné de travail dissimulé et de blanchiment et que, en répression du délit de blanchiment, l’intéressé encourt la peine de confiscation de patrimoine ».
 
Aussi, peu importe qu’elle soit poursuivie devant le tribunal correctionnel des chefs d’infractions « faisant encourir la seule confiscation de biens ayant servi à commettre l’infraction ou qui en sont le produit, dès lors qu’à la date de la saisie il était soupçonné de blanchiment de fraude fiscale, infraction faisant encourir la confiscation de patrimoine, et que l’appréciation de la chambre de l’instruction doit se faire à ce stade de la procédure sans préjudice de l’appréciation faite ultérieurement par la juridiction de jugement ni quant à l’étendue de sa saisine in rem, ni quant aux qualifications retenues, ni quant à la validité de la confiscation » précise les juges du second degré. Dans un dernier temps, ils confirment la proportionnalité de la saisie à la gravité des infractions.
 
Un pourvoi est formé par l’intéressé qui conteste le maintien de cette saisie, étant poursuivi devant le tribunal correctionnel pour deux autres infractions ne lui faisant pas encourir la confiscation de patrimoine.
 
La Cour de cassation va censurer l’arrêt (Cass. crim., 20 nov. 2019, n° 18-86.781, P+B+R+I) sur les fondements des articles 131-21 du Code pénal et 706-153, 706-154 et 593 du Code de procédure pénale. Elle estime que la cour d’appel « s’est abstenue de rechercher si l’intéressé était poursuivi pour blanchiment et, à défaut, de s’assurer du caractère confiscable des biens saisis au regard des seules infractions poursuivies ».
 
Ainsi, la Haute juridiction assure « qu’il appartient à la chambre de l’instruction saisie d’un appel formé à l’encontre d’une ordonnance emportant saisie spéciale de biens rendue au cours d’une enquête ayant, à la date où elle statue, fait l’objet de poursuites, de s’assurer du caractère confiscable des biens saisis au regard des seules infractions poursuivies ». Solution inédite.
Source : Actualités du droit