Retour aux articles

Violences conjugales : la HAS publie sa recommandation de bonne pratique pour le repérage des femmes victimes

Public - Santé
Pénal - Droit pénal spécial
Civil - Personnes et famille/patrimoine
02/10/2019
Avec cette recommandation, la Haute autorité de santé (HAS) souhaite renforcer l’implication des professionnels de santé dans la lutte contre les violences faites aux femmes, favoriser le repérage des femmes victimes de violences au sein du couple et faciliter la coordination entre professionnels concernés.
D’un point de vue épidémiologique, la HAS confirme que toutes les femmes, quel que soit leur statut socio-économique, leur âge, leur orientation sexuelle, leur état de santé, leur handicap peuvent être concernées. Les femmes restent les premières victimes de violences conjugales, mais, comme le souligne la Haute autorité, les hommes peuvent aussi en être victimes.
En moyenne en France, 219 000 femmes âgées de 18 à 75 ans sont victimes de violences physiques et/ou sexuelles commises par leur ancien ou actuel partenaire intime, au cours d’une année. Seulement 19 % d’entre elles déclarent avoir déposé une plainte auprès des forces de police à la suite de ces violences. En 2018, 121 femmes ont été tuées dans un contexte de violences au sein du couple ; 21 enfants mineurs sont décédés, ont été tués cette même année, sur fond de conflit conjugal.
 

De quoi parle-t-on ?


Les violences au sein du couple (ou violences conjugales) sont à distinguer des « conflits conjugaux », dont il convient de parler si le positionnement est égalitaire dans les interactions et que deux points de vue s’opposent.
La violence, contrairement au conflit, est interdite par la loi. On parle de « violence au sein du couple » si le rapport de force est asymétrique (dominant/dominé), avec la volonté de contrôler sa partenaire et de la maintenir sous emprise. Ces violences créent un climat de peur et de tension permanent. Le plus souvent, les faits de violences sont récurrents et cumulatifs. Ils s’aggravent et s’accélèrent avec le temps, d’où l’intérêt et l’importance d’un repérage précoce.
La violence au sein du couple est définie comme des actes de violence entre partenaires intimes, quelle que soit le type de relation hétérosexuelle ou homosexuelle. Elle peut donc être vécue dans une relation maritale, extra-maritale ou amoureuse, pendant la relation, au moment de la rupture ou après la fin de la relation. Elle peut être vécue à tous les âges de la vie et dans tous les milieux sociaux et culturels. La violence au sein du couple comprend les agressions psychologiques, verbales, physiques et sexuelles (y compris les rapports sexuels non consentis entre partenaires intimes), ainsi que les actes de domination sur le plan économique ou administratif et un isolement social de la victime. Dans la majorité des cas, ces différentes formes de violence sont associées.
 

« La violence n’a pas d'intensité minimale. Il n'y a pas de seuil acceptable pour une blessure physique ou psychologique ».


Au sein de la Recommandation elle-même et, surtout, au sein de la Méthode « Recommandations pour la pratique clinique » qui l’accompagne, la HAS fournit plusieurs explications sur le caractère cyclique de la violence au sein du couple (phase de montée en tension, phase d’agression, phase de justification, phase d’accalmie), dont la connaissance est essentielle pour comprendre l’une des caractéristiques du comportement des victimes (leur tendance à la réversibilité dans la demande d’aides et dans leurs démarches) et pour adapter les propositions de prise en charge.
Elle dresse également une liste non exhaustive des facteurs précipitants de la violence, parmi lesquels le jeune âge, le faible niveau d’instruction, la maltraitance pendant l’enfance, la grossesse, la naissance d’un enfant, le handicap, la dépendance financière, les conduites addictives. Elle établit aussi une liste des principales conséquences des violences, qu'il s'agisse des troubles physiques et/ou physiologiques, des complications sexuelles, des conséquences au cours de la grossesse et de celles chez les enfants.

 

À qui s’adresse cette recommandation ?


Adoptée en juin 2019 et récemment mise en ligne sur le site de la Haute Autorité de Santé (HAS), la recommandation de bonne pratique pour le repérage des femmes victimes de violences au sein du couple s’adresse à tous les professionnels de santé. Elle est plus particulièrement – mais non exclusivement bien sûr – destinée à accompagner les professionnels de santé intervenant en premier recours ou dans le cadre de la prévention : médecin généraliste, médecin urgentiste, pédiatre, gynécologue médical, gynécologue obstétricien, psychiatre, médecin du travail, sage-femme, infirmier(e) des urgences et libéral(e), infirmier(e) puériculteur(trice), chirurgien-dentiste, masseur kinésithérapeute.
Dans ce cadre, la Haute autorité souligne que le médecin est le plus souvent le premier interlocuteur et un acteur privilégié dans la chaîne de prise en charge des femmes victimes de violences. Il a un rôle clé dans le dépistage de ces violences, le recueil de l’histoire, le constat des lésions et la rédaction d’un certificat, pièce essentielle lors d’un dépôt de plainte. Il a aussi un rôle stratégique en donnant des conseils aux femmes, en les informant de leurs droits et en les orientant au mieux des circonstances
Sont notamment mis à leur disposition, deux guides pratiques destinés à savoir « comment repérer-évaluer » et « comment agir » en cas de violences conjugales. Plusieurs modèles de certificat médical et d’attestation, ainsi qu’un modèle de signalement de sévices sur mineur sont reproduits en annexes.
 

Quelles sont les préconisations ?


La Haute Autorité de Santé recommande de :
  • montrer son implication, notamment mettre des affiches et des brochures à disposition des patients dans la salle d’attente ;
  • questionner systématiquement, même en l’absence de signe d'alerte. En effet, un repérage précoce est primordial car les faits de violences s’aggravent et s’accélèrent avec le temps et la violence au sein du couple concerne tous les âges de la vie et tous les milieux sociaux et culturels ;
  • y penser particulièrement en contexte de grossesse et de post-partum et adopter, dans tous les cas, une attitude empathique et bienveillante sans porter de jugement ;
  • considérer l’impact sur les enfants du foyer pour les protéger : toute situation de violence au sein du couple constitue une situation de maltraitance pour les enfants qui y sont exposés ;
  • expliquer les spécificités des violences au sein du couple pour déculpabiliser la patiente et l’aider à agir ;
  • évaluer les signes de gravité et mettre en place des mesures de protection en cas de besoin ;
  • établir un certificat médical ou une attestation professionnelle, qui peut être utilisé pour faire valoir les droits de la victime et obtenir une mesure de protection ;
  • le cas échéant, faire un signalement : avec l’accord de la victime, porter à la connaissance du procureur de la République les sévices ou privations constatés, sans nommer l’auteur des faits (accord non indispensable si la victime est un mineur ou une personne vulnérable) ;
  • informer et orienter la victime en fonction de la situation : droit de déposer plainte pour des faits qui sont de nature pénale, orienter vers les structures associatives, judiciaires et sanitaires d’accompagnement ;
  • s’entourer d’un réseau sanitaire multidisciplinaire.
Source : Actualités du droit