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Possibilité de poursuivre un parlementaire pour détournement de fonds publics

Pénal - Droit pénal spécial
Public - Droit public général
05/07/2018
Un parlementaire, en ce qu’il accomplit, directement ou indirectement, des actes ayant pour but de satisfaire à l’intérêt général, est chargé d’une mission de service public au sens de l’article 432-15 du Code pénal. Tel est l’apport d’un arrêt rendu par la chambre criminelle de la Cour de cassation le 27 juin 2018.
En l'espèce, un sénateur du Calvados, en fonction entre 1998 et 2014, président de la commission des lois de 2001 à 2004, puis questeur jusqu’en 2011 et vice-président du Sénat à partir de septembre 2011 et bénéficiant d’une délégation de signature du trésorier du groupe UMP, a été mis en examen des chefs de détournements de fonds publics et recel de ce délit.

Pour conclure à l’applicabilité de l’article 432-15 du Code pénal aux parlementaires, la Haute juridiction procède au raisonnement suivant :

La lettre de la loi

La cour approuve la chambre de l’instruction en ce qu’elle a relevé qu’il ne résultait pas de la lettre de la loi que le législateur ait entendu dispenser les parlementaires, parmi lesquels les sénateurs, du devoir de probité en lien direct avec les missions qui leur sont confiées.

La place de l’article 432-15 dans le Code pénal

La différence de rédaction des incriminations visées à la section du Code pénal intitulée « des manquements au devoir de probité », qui ne constitue pas une cause exonératoire, doit être corrélée avec la description des faits incriminés, éléments matériels de l’infraction.

Il résulte au contraire des travaux parlementaires à l’occasion de l’adoption du nouveau Code pénal la volonté de retenir une conception large de la notion de personne dépositaire de l’autorité publique ou chargée d’une mission de service public, cette définition présentant l’avantage de substituer un critère fonctionnel évitant des énumérations fastidieuses.

Les prérogatives liées à la qualité de sénateur

Enfin, la chambre de l’instruction se fonde sur les prérogatives des députés et sénateurs contenues dans l’article 719 du Code de procédure pénale et qui permettent aux élus de la Nation de vérifier que les conditions de détention répondent à l’exigence de respect de la personne humaine : visite des locaux de garde à vue, des établissements pénitentiaires et centres éducatifs fermés ainsi que les lieux de rétention administrative et les zones d’attente.

La Cour approuve donc la cour d’appel qui a retenu que le texte susvisé suffisait à caractériser, pour le sénateur, la qualité de personne chargée d’une mission de service public au sens de l’article 432-15, qui est reconnue à toute personne chargée, directement ou indirectement, d’accomplir des actes ayant pour but de satisfaire à l’intérêt général, peu important qu’elle ne disposât d’aucun pouvoir de décision au nom de la puissance publique, la mission dévolue aux parlementaires étant par essence une mission d’intérêt général, cette qualité étant par ailleurs retenue par les juridictions correctionnelles lorsque des élus sont victimes de violences, d’outrages ou de menaces.

Par June Perot
Source : Actualités du droit