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Mort d'un homme à la suite de son arrestation par la police : la France condamnée par la CEDH

Pénal - Droit pénal spécial
22/06/2018
Après avoir constaté la négligence des autorités françaises dans la prise en charge d’un individu décédé à la suite de son arrestation à Argenteuil en 2009, la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) conclut à la violation de l’article 2 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme (CESDH) dans une décision du 21 juin 2018.
Justification de l’immobilisation forcée…

Le père de la requérante, âgé de soixante-neuf ans, avait pris la route, avec un autre individu, alors qu’ils avaient consommé de l’alcool. Ils furent arrêtés par une patrouille de police. L’intéressé refusa de sortir du véhicule, proféra des insultes, fut saisi et menotté puis placé à l’arrière de la voiture de police. Il tenta de porter un coup à l’agent et se trouva immobilisé au moyen de la technique dite du « pliage » (technique consistant à courber un individu de telle sorte que sa tête touche ses genoux).

La cour observe que la chambre d’instruction de la cour d’appel de Rennes n’a pas exclu qu’il y ait un lien de causalité entre la force utilisée lors du transport vers le commissariat et le décès, mais elle n’a pas indiqué si ce lien pouvait ou non être direct. Toutefois, comme la cour d’appel, la CEDH juge que l’immobilisation forcée du père de la requérante par la technique du « pliage », alors qu’il se trouvait dans un véhicule de police à destination du commissariat, était justifiée et strictement proportionnée au but poursuivi.

…mais négligence dans la prise en charge au commissariat

À l’arrivée au commissariat, le père de la requérante fut expulsé du véhicule et transporté, apparemment sans réaction, à l’intérieur. Il fut placé en position allongée, mains menottées derrière le dos. Il vomit à plusieurs reprises. Selon la cour, il aurait attendu quarante-cinq minutes dans le fourgon avant d’être conduit à l’hôpital. Durant l’attente des soignants, les policiers observèrent que l’intéressé vomissait et s’étouffait dans son vomi. Il décéda quelques heures plus tard d’un arrêt cardiaque.

La CEDH observe que l’arrêt de la cour d’appel de Rennes, auquel renvoie le gouvernement, « n’analyse pas plus avant l’adéquation de la prise en charge au commissariat, au regard de l’état général de l’intéressé, de la vigilance accrue qui était requise des autorités ni des circonstances dans lesquelles il avait été transporté vers le commissariat et extrait du véhicule à son arrivée ». Il apparaît ainsi, comme cela ressort aussi de l’avis rendu par la Commission nationale de déontologie de la sécurité, que sa situation a été traitée avec négligence par les autorités.

Dès lors, la CEDH retient que les autorités n’ont pas fait ce que l’on pouvait raisonnablement attendre d’elles pour prévenir le risque de décès auquel il était exposé. Elle conclut à la violation de l’article 2 sous son volet matériel. La cour relève une effectivité de l’enquête dans son ensemble même si elle souligne quelques lacunes ponctuelles, comme l’absence de reconstitution des faits et la durée importante de la procédure.

Par Marie Le Guerroué
Source : Actualités du droit