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Déclaration d’appel affectée d’un vice de forme : interruption des délais de procédure et régularisation

Civil - Procédure civile et voies d'exécution
12/06/2018
La Cour de cassation confirme que la déclaration d’appel entachée d’un vice de forme interrompt les délais de prescription et de forclusion. Il en résulte que la régularisation de l’acte, par l’indication du représentant de la personne morale, est possible après l’expiration du délai pour interjeter appel.
Une société de transport est placée en redressement judiciaire par jugement du tribunal mixte de commerce de Saint-Denis du 20 août 2014. La mission d’assistance de l’administrateur judiciaire est convertie en mission de représentation par jugement du 1er avril 2015.

Par l’intermédiaire de son avocat, la société interjette appel de ce jugement le 16 juillet 2015. La déclaration d’appel, rédigée exclusivement au nom de la société, ne mentionne pas l’organe représentant la personne morale. Le 21 octobre 2015, la société dépose des conclusions indiquant qu’elle est représentée par l’un de ses cogérants.

Le 16 novembre 2016, la chambre commerciale de la cour d’appel de Saint-Denis de la Réunion constate la nullité de la déclaration d’appel, pour deux raisons. Elle retient d’abord que le cogérant n’avait pas exercé son droit propre de débiteur, d’interjeter appel du jugement et que l’usage de ce droit propre n’était pas mentionné dans la déclaration d’appel ; il était donc sans pouvoir pour figurer au procès comme représentant de la société. Elle retient ensuite que ce n’est que par conclusions du 21 octobre 2015, que la société s’est désignée comme représentée par l’un de ses cogérants, soit après l’expiration du délai pour formaliser appel. Pour la cour d’appel, en application de l’article 117 du Code de procédure civile, le défaut de pouvoir d’une partie ou d’une personne figurant au procès comme représentant d’une personne morale constitue une irrégularité de fond et il convient d’en déduire que la déclaration d’appel est entachée de nullité.

La société de transport forme un pourvoi en cassation.

Il convient de se souvenir ici que, s’agissant d’abord de la qualité pour agir, que les décisions statuant sur l'arrêté du plan de sauvegarde ou du plan de redressement de la part du débiteur, de l'administrateur, du mandataire judiciaire, du comité d'entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel et du ministère public, ainsi que de la part du créancier ayant formé une contestation en application de l'article L. 626-34-1 du Code de commerce (C. com., art. L. 661-1-I-6° ; sur la constitutionalité de cette disposition, voir Cass. com., 10 juill. 2012, n° 12-40.050).

S’agissant, ensuite, des conditions de forme du recours, il est de principe, en application de l’article 901 du Code de procédure civile, renvoyant aux dispositions de l’article 58 du même code, que la déclaration d’appel doit, à peine de nullité, indiquer l’organe qui représente la personne morale. Toutefois, conformément aux dispositions de l’article 2241 du Code civil, la demande en justice, même en référé, interrompt le délai de prescription ainsi que le délai de forclusion et il en est de même lorsqu'elle est portée devant une juridiction incompétente ou lorsque l'acte de saisine de la juridiction est annulé par l'effet d'un vice de procédure.

En l’espèce, la Cour de cassation confirme sa jurisprudence antérieure (comp. not. Cass. 3e civ., 13 nov. 2013, n° 12-24.870, Bull. civ. III, n° 142), la cassation étant prononcée pour violation de la loi, au terme d’un raisonnement en deux temps.

Au visa des articles 114 et 117 du Code de procédure civile, ensemble l’article L. 661-1-I-6° du Code de commerce, la deuxième chambre civile confirme à la fois le droit d’agir de la société et la nature du vice de procédure entachant la déclaration d’appel : la société « disposant du droit propre de former appel, l’absence de mention, dans la déclaration d’appel, de l’organe la représentant légalement, constitue un vice de forme, dont la nullité ne peut être prononcée qu’à charge, pour l’adversaire qui l’invoque, de prouver l’existence d’un grief ». Il ne s’agissait pas ici, à l’inverse de ce qu’avaient considéré les juges du fond, de sanctionner un vice de fond tiré du défaut de pouvoir, mais bien une simple irrégularité formelle (comp. Cass. 3e civ., 13 nov. 2013, précité).

Puis, au visa de l’article 2241, alinéa 2 du Code civil et de l’article 115 du Code de procédure civile, la deuxième chambre civile rappelle « qu’il résulte du premier de ces textes que l’acte de saisine de la juridiction, même entaché d’un vice de procédure, interrompt les délais de prescription et de forclusion ». Dès lors en l’espèce, « demeurait possible la régularisation de la déclaration d’appel qui, même entachée d’un vice de procédure, avait interrompu le délai d’appel ». Ce faisant, la Cour de cassation confirme également sa jurisprudence antérieure, rendue notamment à propos de l’assignation (Cass. 3e civ., 10 nov. 2016, n° 14-25.318, P+B) et de la déclaration d’appel affectée d’un vice de fond (Cass. 2e civ., 1er juin 2017, n° 16-14.300, P+B+I ; voir not. Effet interruptif de la déclaration d'appel entachée d'un vice de procédure, Actualité du 13/06/2017).
Source : Actualités du droit