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Qualité pour interjeter appel du jugement de mainlevée d’une mesure de protection

Civil - Procédure civile et voies d'exécution
05/06/2018
La Cour de cassation précise la nature des dispositions de l’article 1239-2 du Code de procédure civile et en étant le régime à l’appel du jugement de mainlevée d’une curatelle renforcée. Au terme d'un raisonnement par analogie, elle admet la fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité des parents du majeur protégé.
Sur requête du procureur de la République, un homme est placé sous curatelle renforcée pendant 60 mois, par une décision du juge des tutelles de Villefranche-sur-Saône du 23 septembre 2011, une association étant désignée en qualité de curateur. Par requête du 26 décembre 2014, le curateur saisit le juge des tutelles aux fins de renouvellement de la mesure de protection. Le 3 juin 2015, les parents du majeur protégé adresse un courrier au juge, dans lequel ils expriment leur souhait de voir la curatelle maintenue et font état de la fragilité psychologique et des difficultés de gestion administrative et financière de leur fils. Le majeur protégé demande quant à lui la mainlevée de la mesure et est auditionné par le juge le 17 juin 2015, de même que la personne chargée de la mesure de protection. Par jugement du 21 juillet 2015, le juge des tutelles prononce la mainlevée de la curatelle

Par courrier déposé au greffe le 3 août 2015, les parents de l’intéressé interjettent appel et demandent à ce que leur fils soit à nouveau placé sous curatelle. Convoqués à une audience du 6 avril 2016, les parents comparaissent, de même que leur fils, assisté par son avocat. Ce dernier, entendu dans ses explications, relaye la demande de son client et dépose des conclusions aux fins de confirmation du jugement attaqué et, en conséquence, de la mainlevée de la curatelle. Le 11 mai 2016, la cour d’appel de Lyon infirme la décision, maintient le régime de la curatelle renforcée pour une durée de 60 mois et désigne un nouveau curateur au regard des difficultés relationnelles existant entre le majeur protégé et le précédent mandataire.

Le majeur protégé forme un pourvoi en cassation et invoque notamment une violation des dispositions des articles 125 et 1239-2 du Code de procédure civile. Selon le demandeur au pourvoi, l’appel du jugement refusant d’ouvrir une mesure de protection n’étant ouvert qu’au requérant, le recours contre une décision de mainlevée devrait être pareillement restreint. La cour d’appel aurait donc dû relever d’office « l’irrecevabilité » de l’appel interjeté par les parents.

Répondant à la question de la qualité pour interjeter appel d’un jugement de mainlevée d’une mesure de protection, la première chambre civile de la Cour de cassation procède à un raisonnement par analogie et à une interprétation in favorem. Statuant au visa de l’article 125 du Code de procédure civile, ensemble l’article 1239-2 du même code, elle rappelle d’abord qu’en vertu du premier de ces textes, les fins de non-recevoir doivent être relevées d’office lorsqu’elles ont un caractère d’ordre public. Puis elle énonce que les dispositions du second de ces textes sont d’ordre public. Enfin, elle précise que « l’objet de ce texte étant de restreindre le recours contre les décisions favorables à la capacité de la personne, il doit également s’appliquer au jugement de mainlevée d’une mesure de protection ».
Or, en l’espèce, les parents n’étaient requérant ni à la procédure d’ouverture de la mesure, ni à l’instance en mainlevée. Ils ne détenaient donc pas la qualité pour interjeter appel du jugement de mainlevée. Et, ce, nonobstant l’article 1239 du Code de procédure civile qui admet pourtant largement et par principe, l’appel émanant des proches de la personne protégée ou à protéger.
En l’espèce, il appartiendrait donc aux parents d’introduire une nouvelle procédure aux fins de placement de leur fils sous une mesure de protection, ce qui leur permettrait, en cas de refus, d’interjeter valablement appel de la décision. Bien loin de permettre de faire l’économie d’une procédure, cette décision suscite d’assez nombreuses interrogations quant à sa potentielle application au-delà des caractéristiques de l’espèce, c’est-à-dire à d’autres personnes que les parents et à d’autres décisions que celles de mainlevée.
Source : Actualités du droit