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Le dilemme budgétaire du financement des infrastructures routières

Transport - Route
05/02/2018
Pour financer la construction et l’entretien des infrastructures, le rapport préliminaire à la rédaction du projet de loi portant sur la mobilité (LOM) préconise une énième augmentation de la TICPE et explore d’autres modes de taxation de l’utilisateur, dont une vignette sur les PL et sur les VUL. Bingo, cette dernière pourrait rapporter beaucoup plus que l’écotaxe tout en évitant un désastre financier.  
En période de disette budgétaire, trouver 60 milliards d'euros sur 20 ans pour financer les priorités d’Emmanuel Macron en matière d’infrastructures va demander imagination et courage politique. Pour le moment, le groupe de travail présidé par Philippe Duron, et qui a rendu son rapport le 1er février, ouvre seulement des pistes de réflexion. La principale d’entre elles est d’aller chercher l’argent dans les poches de l’utilisateur plutôt que dans celles du contribuable. Reste à savoir par quels moyens : après l’augmentation de la taxe intérieure sur la consommation des produits énergétiques (TICPE), la plus évidente, selon les rapporteurs, serait d’en assurer l’affectation au financement des infrastructures. Pas révolutionnaire, mais bien difficile à mettre en place, tant Bercy n’apprécie que peu modérément le principe des recettes affectées. L’agence de financement des infrastructures de transport de France (AFITF) en a fait les frais au cours des dernières années !

Prévision séduisante sur le papier

Sur le papier, la prévision est séduisante : 1 centime de TICPE sur le litre de gazole ou de super acheté pour des VUL ou des VL sur les territoires français permettrait une recette brute de 400 M€. Le même centime prélevé sur le carburant acheté pour les PL fournirait 90 M€. Ajoutez à cela la suppression de l’allègement partiel de TICPE dont bénéficie les +7,5 T et les infrastructures récupèrent ainsi 900 M€.
La recette « court-termiste » que représente la TICPE ne doit pas cacher des évolutions plus nettes, elles aussi évoquées dans le rapport, comme l’instauration d’une redevance temporelle pour les PL et les VUL, justifiée par leur usage du réseau « structurant » - à la loi de définir ce dernier. Si l’on se borne aux 4 300 km du réseau national, soit celui qui devait être soumis à l’écotaxe, que l’on prend en compte le parc de véhicules concernés, qu’on fixe une somme de 500 € par véhicule et par an et que l’on exonère les véhicules fonctionnant au GNV et à l’électricité, la somme collectée serait de 320 M€.  Soit 20 M€ de plus que le gain prévu pour l’écotaxe, abandonnée en 2015 !

Vieilles recettes

Cette redevance/vignette devant s’imposer également aux VUL, le rapport estime à 240 M€ la somme potentiellement récoltée sur les utilitaires (à raison de 50 € annuels par véhicule concerné), dont il exonère également les motorisations GNV et électrique et dont il compte sortir les utilitaires possédés par les particuliers ou les artisans.
Et pourquoi ne pas utiliser la technique du péage sans arrêts (free flow) à l’occasion de travaux d’élargissement, ou encore la mise en concession de certaines routes express - qui deviendraient de ce fait payantes, sans faire partie du réseau autoroutier - ou ce bon vieil adossement, qui a permis de réaliser bon nombre de travaux autoroutiers en misant sur l’augmentation des péages ? Le péage urbain ? « Une ressource complémentaire » qu’il faut aussi garder en mémoire, tout en sachant que sa mise en œuvre impliquerait des adaptations de la réglementation.
Ces vieilles recettes ne sont pas rejetées par le rapport, bien au contraire, puisqu’elles peuvent s’adapter à certaines réalités locales. La nouveauté aurait consisté à soutenir l’idée d’une taxation des livraisons à domicile mais sa mise en œuvre « apparaît complexe sur le plan juridique ». Par ailleurs, la franchise de TVA dont bénéficie une bonne partie du commerce électronique aujourd’hui est amenée à disparaître le 1er janvier 2021, pour laisser place à un taux de 20% sur le prix HT, ce qui résoudra le problème.
Au final, le gouvernement puis le Parlement auront le choix entre taxer davantage le carburant ou créer une vignette sur le trafic « Marchandises ». Voire instaurer les deux. Pour l’instant, le trafic des VP semble épargné par la frénésie taxatrice qui s’annonce. Jusqu’à quand, là est la question. 
 
Source : Actualités du droit