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L’indépendance du parquet continuera de jouer l’Arlésienne

Pénal - Procédure pénale
08/12/2017
La décision, très attendue, du Conseil constitutionnel saisi d’une QPC sur le statut du parquet, met fin aux espoirs d’une reconnaissance de l’indépendance organique des magistrats du ministère public, qui n’auraient d’autre lien avec le garde des Sceaux que celui de la transmission d’instructions générales de politique pénale.
Saisi d’une question prioritaire de constitutionnalité transmise, en raison de son caractère sérieux, par le Conseil d’État (CE, 27 sept. 2017, n° 410403), le Conseil constitutionnel confirme la constitutionnalité de l’article 5 de l’ordonnance du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature (Ord. n° 58-1270, 22 déc. 1958, JO 23 déc.), en ce qu’il prévoit que les magistrats du parquet sont placés « sous l’autorité du garde des Sceaux, ministre de la Justice ».

La décision égrène d’abord les dispositions constitutionnelles applicables à la cause : article 16 de la Déclaration des droits de l’homme (séparation des pouvoirs), articles 20 (détermination et conduite de la politique de la Nation par le gouvernement), 64, alinéa 1er (garante d’indépendance de la Justice) et alinéa 4 (inamovibilité des magistrats du siège) et 65 de la Constitution (nomination et sanction des magistrats du parquet). Ceci, pour affirmer qu’ « il résulte de l’ensemble de ces dispositions que la Constitution consacre l’indépendance des magistrats du parquet, dont découle le libre exercice de leur action devant les juridictions, que cette indépendance doit être conciliée avec les prérogatives du Gouvernement et qu’elle n’est pas assurée par les mêmes garanties que celles applicables aux magistrats du siège ».

Le Conseil constitutionnel énumère ensuite les manifestations de l’autorité du garde des Sceaux sur les magistrats du parquet, qu’il s’agisse de son pouvoir de nomination et de sanction sans avis conforme du Conseil supérieur de la magistrature (Ord. 22 déc 1958, précitée, art. 28 et 66), de la transmission des instructions générales de politique pénale (C. pr. pén., art. 30, 39-1 et 39-2) et de l’interdiction des instructions dans les affaires individuelles (C. pr. pén., art. 30, mod. par L. n° 2013-669, 25 juill. 2013, JO 26 juill.).

Sont enfin rappelées, en application des articles 31, 33, 39-3 et 40-1 du Code de procédure pénale, les fonctions et missions du ministère public en ce qui concerne l’engagement et l’exercice de l’action publique, y compris (et surtout) les principes d’appréciation en opportunité de la poursuite et la liberté de parole à l’audience.

Sans entrer dans une discussion sur les incidences de l'existence d'une fonction para-juridictionnelle de poursuite, le Conseil constitutionnel affirme que les dispositions contestées « assurent une conciliation équilibrée entre le principe d’indépendance de l’autorité judiciaire et les prérogatives que le Gouvernement tient de l’article 20 de la Constitution. Elles ne méconnaissent pas non plus la séparation des pouvoirs ». Puisqu’elles « ne méconnaissent pas non plus le droit à un procès équitable ni les droits de la défense ni aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit », l’article 5 de l’ordonnance du 22 décembre 1958 doit être déclaré conforme à la Constitution.
 
Source : Actualités du droit