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Droit à l'erreur : l'avis sévère du Conseil d'État

Public - Droit public général
29/11/2017
Le Conseil d'État émet de fortes réserves sur l'application effective d'un "droit à l'erreur", mesure phrase du projet de loi pour un État au service d'une société de confiance, présenté lundi 29 novembre en Conseil des ministres.
La Haute-juridiction annonce la couleur dans les propos introductifs de l'analyse du titre Ier du projet de loi pour un État au service d'une société de confiance, en rappelant les termes de l'article L. 100-1 du Code des relations entre le public et l'administration : 

« Le présent code régit les relations entre le public et l'administration en l'absence de dispositions spéciales applicables.
Sauf dispositions contraires du présent code, celui-ci est applicable aux relations entre l'administration et ses agents
 ».

Ainsi, les dispositions du projet de loi seraient inapplicables en pratique s'il s'avérait qu'il existe des dispositions spéciales régissant la question. Ce qui s'annonce de mauvais augure pour le projet porté par le Gouvernement. 

Ensuite, le Conseil d'État se penche plus spécifiquement sur la question du droit à l'erreur qui, pour rappel, consiste à reconnaître aux administrés un droit à l'erreur général dans les procédure déclaratives, en cas de méconnaissance d'une règle applicable à sa situation, y compris lorsque celle-ci conditionne le bénéfice d'une prestation. Ainsi, l'administré ne pourra faire l'objet d'une sanction pécuniaire, ou être privée d'un droit, s'il rectifie l'erreur de lui-même ou sur invitation de l'administration. 

Il souligne l'insuffisance des études d'impacts menées sur le sujet, et relève par ailleurs qu'il eût été plus opportun, plutôt que de reconnaître un droit d'erreur général, de lister les procédures déclaratives qui devraient faire l'objet d'une possibilité de régulation avant sanction. 

Enfin, il produit une liste des hypothèses dans lesquelles ce droit à l'erreur général ne pourra pas s'appliquer : 

- les sanctions requises pour la mise en oeuvre du droit de l'Union européenne ;
- les sanctions prononcées en cas de méconnaissance des règles protégeant la santé publique, la sécurité publique et des biens, ou l'environnement ;
- les sanctions prévues contractuellement ; 
- les sanctions prononcées par les autorités de régulation à l'égard des professionnels soumis à leur contrôle - cette dernière réserve permettant l'exclusion du droit à l'erreur des professionnels ayant la connaissance et la maîtrise des règles de droit applicables. 

Rappelons bien évidemment que l'avis rendu par le Conseil d'Etat est facultatif, et il appartient maintenant au Gouvernement d'en tenir compte, ou de poursuivre dans une autre voie. En tout état de cause, il semblerait qu'il ait encore du "pain sur la planche" avant de présenter, d'ici au printemps 2018, le projet de loi au Parlement.
Source : Actualités du droit