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Réforme de la procédure d’appel : les évolutions de la procédure à bref délai

Civil - Procédure civile et voies d'exécution
24/05/2017
Le décret du 6 mai 2017 remanie assez profondément les règles applicables au « circuit court », en vue de diminuer notablement la durée des procédures et tenter de se conformer à la garantie du délai raisonnable. Le point sur ces nouvelles dispositions.
La réforme opérée par le décret du 6 mai 2017 (sur les dispositions modifiées par ce texte, voir ici) élargit le champ d’application de la procédure à bref délai, qu’il s’agisse de l’appel des ordonnances rendues en la forme des référés et de celui des décisions du JEX et en fixe le déroulement. Le traitement des affaires par les juridictions de renvoi après cassation aura également vocation à relever de cette procédure.
 

I. Déroulement de la procédure à bref délai


Jusqu’ici, seul l’article 905 du Code de procédure civile régissait la question du renvoi à l’audience à bref délai. À compter du 1er septembre 2017, il faudra aussi tenir compte des dispositions des nouveaux articles 904-1, 905-1 et 905-2 du Code de procédure civile. De plus, le déroulement de la procédure nouvellement instauré dissipera certaines lacunes antérieures, tout en instaurant de stricts délais prévus à peine de caducité ou d’irrecevabilité.
 
Champ d’application. — Le décret du 6 mai 2017 élargit la possibilité de recourir à la procédure d’urgence, en en modifiant le champ d’application. Jusqu’ici, la procédure pouvait/devait être mise en œuvre dans quatre hypothèses : lorsque l’affaire semble être urgente ou en état d’être jugée, en cas d’appel d’une ordonnance de référé ou de certaines ordonnances du juge de la mise en état (CPC, art. 776, 1° à 4° : ordonnance statuant sur un incident mettant fin à l'instance, sur une exception de procédure, sur les mesures provisoires ordonnées en matière de divorce ou de séparation de corps ou dans le cadre du référé-provision). À compter du 1er septembre prochain, il conviendra d’y ajouter l’appel des ordonnances rendues en la forme des référés. La procédure des articles 905 et suivants du Code de procédure civile sera également applicable à l’appel des décisions du juge de l’exécution (CPC exéc., art. R. 121-20, mod.), en concurrence avec celles de la procédure à jour fixe.
 
Décision d’orientation. — Aux termes du nouvel article 904-1 du Code de procédure civile, le choix de fixer l’affaire à bref délai (ou de désigner un conseiller de la mise en état) appartiendra au président de la chambre à laquelle elle a été distribuée. Le greffe devra en aviser les avocats constitués.
 
Formalisme et rédaction. — Sur le nouveau formalisme de la déclaration d’appel et des conclusions, également applicables dans le cadre du circuit court, voir : « Réforme de la procédure d’appel : les nouveautés relatives à la mise en état », Actualité du 24/05/2017.
 
Signification de la déclaration d’appel. — Dans un délai de dix jours à compter de la réception de l’avis de fixation, l’appelant devra signifier la déclaration d’appel, à peine de caducité relevée d’office. Si l’intimé a constitué avocat entretemps (avant la signification), il sera procédé par notification entre avocats (CPC, art. 905-1, al. 1, nouv.).
La signification devra, à peine de nullité, informer l’intimé que faute pour lui de se constituer avocat dans un délai de quinze jours, il s’expose à ce qu’un arrêt soit rendu contre lui sur les seuls éléments fournis par son adversaire. Toujours à peine de nullité, la signification devra également comporter l’indication selon laquelle il s’expose à ce que ses écritures soient, d’office, déclarées irrecevables si ses conclusions ne sont pas remises au greffe dans les délais de l’article 905-2 du Code de procédure civile  (CPC, art. 905-1, al. 2, nouv.).
 
Délais pour conclure. — À peine de caducité de la déclaration d’appel, les conclusions de l’appelant devront être remises au greffe dans un délai d’un mois à compter de l’avis de fixation (CPC, art. 905-2, al. 1, nouv.). À peine d’irrecevabilité et à compter de la notification des conclusions de l’appelant, l’intimé dispose aussi d’un délai d’un mois, pour remettre ses conclusions au greffe et éventuellement former appel incident ou provoqué.
Un délai identique pour conclure et la même sanction sont imposés à l’intimé à un appel incident ou provoqué, le point de départ de ce délai étant la notification de l’appel incident ou provoqué, à laquelle aura été jointe une copie de l’avis de fixation de l’affaire. Il en sera de même pour l’intervenant forcé, à compter de la notification de la demande d’intervention, à laquelle aura été jointe une copie l’avis de fixation. Quant à l’intervenant volontaire, il lui est également reconnu un délai d’un mois pour conclure. Toutefois, dans ces derniers cas (appel incident ou provoqué et intervention forcée ou volontaire), le président de la chambre saisie (ou le magistrat désigné par le premier président) pourra, d’office, impartir des délais plus courts (CPC, art. 905-2, al. 5, nouv.).
Le point de départ des délais pour conclure est fixé au jour de la notification des conclusions (CPC, art. 911, al. 3, nouv.).
Les délais sont augmentés d’un mois si les parties résident en France non métropolitaine et de deux mois si elles résident à l’étranger (CPC, art. 1037-1, al. 5, nouv., renvoyant à CPC, art. 911-2). Aux termes du nouvel article 910-2 du Code de procédure civile, la décision d’ordonner une médiation interrompra les délais pour conclure et former appel incident, jusqu’à la fin de la mission du médiateur.
 
Notification des conclusions. — Les dispositions de l’article 930-1 du Code de procédure civile sont également applicables ici, ce qui signifie que les actes de procédure doivent être remis à la juridiction par voir électronique, à peine d’irrecevabilité. En cas d’impossibilité et pour une cause étrangère à celui qui l’accomplit, l’acte pourra être remis au greffe ou adressé par lettre recommandée avec AR.
En outre, à peine de caducité de la déclaration d’appel ou d’irrecevabilité des conclusions, celles-ci devront être notifiées aux avocats des parties dans le délai de leur remise au greffe. Pour les parties qui n’ont pas constitué d’avocat, il conviendra de signifier au plus tard dans le mois suivant l’expiration du délai imparti pour conclure. Si elles ont constitué avocat entre-temps, la notification sera faite entre avocats.
 
Sanctions. — La caducité et l’irrecevabilité seront relevées d’office par le président de la chambre saisie (ou du magistrat désigné par le premier président). Les ordonnances statuant sur la fin de non-recevoir tirée de la caducité ou de l’irrecevabilité de l’appel et/ou des conclusions auront autorité de chose jugée au principal (CPC, art. 905-2, al. 5, nouv.). Elles pourront être déférées par requête à la cour, dans un délai de quinze jours, lorsqu’elles portent sur la caducité ou l’irrecevabilité en application des articles 905-1 et 905-2). De surcroît, répondant à une attente de la profession, le nouvel article 910-3 du Code de procédure civile prévoit qu’en cas de force majeure, le président de la chambre saisie pourra écarter l’application des sanctions prévues à l’article 905-2 du Code de procédure civile.
 
Conséquences de la caducité ou de l’irrecevabilité. — La partie dont la déclaration d’appel a frappée de caducité (CPC, art. 905-1 et 905-2, nouv.) ou dont l’appel a été déclaré irrecevable n’est plus recevable à former un appel principal contre le même jugement et à l’égard de la même partie (CPC, art. 911-1, al. 3, nouv.). De même, ne sera pas recevable à former appel principal, l’intimé auquel les conclusions de l’appelant auront été régulièrement notifiées et qui n’aurait pas formé appel incident ou provoqué contre le jugement attaqué dans les délais de l’article 905-2 ou dont l’appel incident ou provoqué aurait été déclaré irrecevable (CPC, art. 911-1, al. 4, nouv.).
Enfin, le nouvel alinéa 3 de l’article 906 du Code de procédure civile consacre la jurisprudence de la Cour de cassation selon laquelle les pièces communiquées et déposées au soutien de conclusions irrecevables sont elles-mêmes irrecevables (voir par ex. Cass. 2e civ., 13 nov. 2015, n° 14-19.931, à paraître).

 

II. Cas particulier du renvoi après cassation


Délai de déclaration au greffe de la cour d’appel de renvoi. — La cassation avec renvoi n’emporte pas saisine de la juridiction de renvoi, qui doit être saisie par déclaration au greffe (CPC, art. 1032). Le décret du 6 mai 2017 a divisé par deux le délai pour saisir la cour d’appel de renvoi, le faisant passer de quatre à deux mois à compter de la notification de l’arrêt de cassation (CPC, art. 1034, mod.), à compter du 1er septembre 2017.
 
Communication par voie électronique. — Le décret du 6 mai 2017 consacre également la jurisprudence relative à la nécessité de procéder par voie électronique dans le cadre des instances consécutives à la saisine de la juridiction de renvoi et, ce, depuis le 11 mai 2017 (art. 52, D. n° 2017-697, renvoyant not. à art. 5, D. n° 2009-1524, 9 déc. 2009, visant CPC, art. 930-1 ; comp. Cass. 2e civ., 1er déc. 2016, n° 15-25.972, à paraître).
 
Fixation à bref délai. — Il résulte du nouvel article 1037-1 du Code de procédure civile, applicable à compter du 1er septembre 2017, que lorsque l’affaire relevait de la procédure ordinaire (CPC, art. 901 à 916), les règles applicables devant la cour d’appel de renvoi seront nécessairement celles de la procédure à bref délai.
 
Signification de la déclaration de saisine. — L’article 1036 du Code de procédure civile n’est pas applicable devant la cour d’appel de renvoi lorsque l’affaire relevait de la procédure ordinaire (CPC, art. 1037-1, nouv.). Ainsi, aux termes de l’alinéa 2 du nouvel article 1037-1 du même code, il incombera à l’auteur de la déclaration de saisine de signifier aux autres parties à l’instance ayant donné lieu à la cassation, dans un délai de dix jours à compter de la notification (par le greffe) de l’avis de fixation, à peine de caducité relevée d’office par le président de la chambre saisie (ou le magistrat désigné par le premier président).
 
Délais pour conclure. — Les conclusions de l’auteur de la déclaration de saisine devront être remises au greffe et notifiées dans un délai de deux mois à compter de la déclaration (CPC, art. 1037-1, al. 3, nouv.). À compter de la notification de ces conclusions, un délai identique de deux mois est ouvert aux parties adverses pour remettre au greffe et notifier leurs conclusions (CPC, art. 1037-1, al. 4, nouv.).
La notification des conclusions se fait « dans les conditions prévues par l’article 911 » (CPC, art. 1037-1, al. 5, nouv.) : elles sont notifiées aux avocats des parties dans le délai de leur remise au greffe de la cour. Sous les mêmes sanctions, elles sont signifiées dans le mois suivant l'expiration de ce délai aux parties qui n'ont pas constitué avocat ; cependant, si, entre-temps, celles-ci ont constitué avocat avant la signification des conclusions, il est procédé par voie de notification à leur avocat.
Ces délais sont augmentés d’un mois si les parties résident en France non métropolitaine et de deux mois si elles résident à l’étranger (CPC, art. 1037-1, al. 5, nouv., renvoyant à CPC, art. 911-2).
En cas de non-respect de ces délais, l’alinéa 6 du nouvel article 1037-1 du Code de procédure civile prévoit que les parties sont réputées s’en tenir aux moyens et prétentions qu’elles avaient soumis à la cour d’appel dont l’arrêt a été cassé.
En revanche, en cas d’intervention forcée, la remise et la notification des conclusions doit se faire dans un délai de deux mois  compter de la demande d’intervention à son encontre, à peine d’irrecevabilité relevée d’office. Il en est de même pour l’intervenant volontaire, à compter de son intervention.
Enfin, les ordonnances du président de chambre (ou du magistrat désigné) statuant sur la caducité de la déclaration de saisine ou sur l’irrecevabilité des conclusions de l’intervenant (volontaire ou forcé) ont autorité de la chose jugée et peuvent être déférées dans les conditions des alinéas 2 et 4 de l’article 916 du Code de procédure civile.
 
Source : Actualités du droit