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Régime de communauté et dettes personnelles : limites de la responsabilité de l’époux non engagé

Civil - Personnes et familles, Bien et patrimoine
01/09/2025

La question de la responsabilité des époux mariés sous le régime de la communauté de biens reste source de contentieux. Par un arrêt du 21 mai 2025 (Cass. civ. 1re, n° 23-21.684), la Cour de cassation rappelle que le patrimoine commun peut servir à payer une dette née du chef d’un seul époux sans engager personnellement l’autre. Cette solution protège l’époux non partie à l’engagement tout en maintenant les droits des créanciers sur les biens communs.

Les faits et la question posée

Un administrateur judiciaire est mis en cause pour des retraits indus. La Caisse de garantie agit en paiement contre lui, mais également contre son épouse. Or, celle-ci n’était ni coauteure des faits, ni partie à l’engagement initial. La question était de savoir si le seul fait d’être mariés sous communauté permettait de condamner personnellement l’époux non débiteur.

La solution : portée de l’article 1413 du Code civil

La Cour rappelle qu’en vertu de l’article 1413 du Code civil, les créanciers d’un époux disposent d’un droit de gage sur les biens communs pour le paiement d’une dette née du chef de cet époux. Toutefois, cette disposition ne confère pas un droit d’action contre la personne de l’autre conjoint. En conséquence, seul un engagement personnel permet de condamner un époux au règlement de la dette de son conjoint.

La distinction est nette : le créancier peut poursuivre le recouvrement sur le patrimoine commun, mais il ne peut pas obtenir une condamnation in personam de l’époux non signataire, sauf à démontrer un consentement exprès, une participation à l’acte ou une faute personnelle engageant sa responsabilité.

Incidences pratiques

Cette décision confirme une ligne jurisprudentielle constante et clarifie des confusions fréquentes en pratique :

  • Les créanciers peuvent saisir les biens communs pour recouvrer la dette contractée par un seul époux, sous réserve des limites légales propres au régime matrimonial.
  • Ils ne peuvent pas réclamer directement le paiement à l’autre époux, sauf s’il a personnellement souscrit l’engagement ou commis une faute engageant sa responsabilité.

L’équilibre recherché par le droit français est ainsi préservé : d’un côté, la communauté constitue une garantie réelle pour les créanciers ; de l’autre, la responsabilité personnelle de l’époux non engagé demeure protégée. Confondre droit de gage sur les biens communs et action contre la personne fragiliserait la sécurité juridique des couples mariés sous le régime légal.

En conclusion, l’arrêt du 21 mai 2025 réaffirme que la communauté n’instaure pas une solidarité automatique pour toutes les dettes. Le patrimoine commun peut être engagé, mais non la personne de l’époux qui n’a pas contracté. Cette précision, conforme à la législation française et à la jurisprudence des juridictions civiles, constitue un repère utile pour la gestion des risques, la rédaction des engagements et la stratégie de recouvrement.