Retour aux articles

Sécurisation des JOP 2024 : « Une occasion de sanctuariser la logistique »

Transport - Route
24/11/2023
Président de l’Otre et gérant de l’entreprise familiale Déménagements Gibergues, Alexis Gibergues s’inquiète de l’absence d’une feuille de route claire dans la perspective des Jeux Olympiques et Paralympiques (JOP), qui auront lieu du 26 juillet au 11 août 2024, puis du 28 août au 8 septembre 2024. Qu’il s’agisse des transporteurs routiers franciliens et des déménageurs, aucune information n’est disponible sur les dérogations possibles. Il estime que les enjeux sécuritaires alimentent un principe de précaution qui risque de pénaliser les entreprises.
Bulletin des transports : À huit mois du début des JOP 2024 (1), où en sont vos discussions avec les pouvoirs publics ?
Alexis Gibergues : Nous avons les plus grandes difficultés à avoir un interlocuteur unique sur ce dossier. C’est lié au millefeuille francilien, entre la préfecture de région, la ville de Paris et les services centraux de l’État. La logique qui semble présider est une logique sécuritaire, avec une cérémonie d’ouverture sur la Seine et des questions sensibles de sécurité internationale. En conséquence, les services de l’État ont le réflexe d’éloigner le plus possible les flux de personnes et de marchandises. Or, la logique des professionnels du transport routier, du transport léger et des déménageurs s’appuie sur une logistique du quotidien pour approvisionner la région, assurer la desserte locale. Les entreprises auront besoin de fonctionner pour elles-mêmes mais surtout pour leurs clients.

BTL : La forte dimension sécuritaire confère-t-elle un rôle primordial à la préfecture de police de Paris ?
A. G. : À l’évidence, le relais essentiel pour adresser nos questions est aujourd’hui la préfecture de police de Paris, sous l’égide du préfet Laurent Nunez. Un certain nombre de réunions sont organisées avec les équipes des JOP mais les informations sont  imprécises et trop parcellaires. Nous avons obtenu quelques axes directeurs : certaines zones de desserte seront interdites avec trois niveaux concentriques d’accès, mais l’ensemble reste peu exploitable.

BTL : Vous voulez dire que le flou persiste pour vos 150 adhérents déménageurs à l’échelon national ?
A. G. : Nos adhérents opèrent sur une activité spécifique et saisonnière. Les particuliers comme les entreprises déménagent en priorité l’été, en juin juillet et août. Si on explique à ces dirigeants de TPE-PME – dont l’activité saisonnière conditionne parfois leur survie – qu’en raison des JOP le business sera interdit, ils ne le comprendront pas. Certains clients  n’ont pas d’autres choix que de déménager pendant cette période (mutations professionnelles, acquisitions  d’appartements, mariages, divorces,  décès, etc.).  Les  pouvoirs  publics doivent pouvoir entendre cet argument. Même si les JOP sont organisés à Paris, ils symbolisent un évènement planétaire avec un impact sur l’ensemble du territoire national et concernent nos 3200 entreprises adhérentes en France.   

BTL : Quelle suite concrète envisagez-vous ?
A. G. : Aucun rendez-vous n’a été fixé pour clarifier une feuille de route. Cela passe par la mise en place de dispositifs simples de stationnement, d’accès aux zones de livraison avec des horaires et des voies dédiées pour que la logistique puisse se déployer à plein. Les JOP sont sans doute une occasion de sanctuariser toute une organisation logistique. Nous comprenons le principe de précaution de l’État mais l’heure est à une feuille de route claire. Le transport routier de marchandises et le déménagement reposent sur l’organisation de plans de transport et sur une vision. Les entreprises doivent aussi avoir le temps de contribuer à cette feuille de route, s’y opposer le cas échéant si elles ne sont pas d’accord.

BTL : Prendrez-vous une initiative avec la FNTR et l’Union TLF pour mobiliser davantage le gouvernement ?
A. G. : Notre délégué général, Jean-Marc Rivera, travaille sur le dossier en concertation avec ses homologues délégués généraux, Florence Berthelot et Olivier Poncelet. Notre nouveau secrétaire général Ile-de- France, Bruce Aiglehoux, a  aussi  pour mission de s’investir à plein sur les JOP. Pour ma part, je  n’ai pas encore abordé le sujet avec mes homologues présidents, Jean-Christophe Pic pour  la FNTR et  Eric Hémar pour Union TLF ; nous sommes ouverts pour trouver une position commune.

BTL : La justice a donné raison à la Mairie de Paris dans un contentieux lié à la garantie de stationnement (2). Qu’en pensez-vous ?
A. G. : Nous avons un système où il faut faire des demandes payantes de stationnement à la Ville de Paris. Dans les faits, lorsque nos équipes de déménageurs arrivent sur place ayant réservé et payé des emplacements, rien n’est réservé, il n’y a pas de services. C’est un casse-tête qui s’ajoute à la problématique des terrasses parisiennes éphémères et des zones de stationnement avec emprise croissante de certains  commerces. C’est compliqué pour nos adhérents parisiens et pour les  déménageurs français qui viennent à Paris. C’est d’autant plus étonnant que dans les communes limitrophes,  le même  type de service payant est, lui, associé à un service de réservation. C’est d’ailleurs le cas  dans la plupart  des  villes françaises et en Europe. Les entreprises paient les réservations avec des délégations de service public gérées par les communes (plots, barrières, signalisations). Nous sommes légalistes, nous appliquerons la décision de justice mais au-delà, la position de la Ville de  Paris est incompréhensible.

(1) 15 sites de compétition pour les Jeux olympiques et 11 sites pour les Jeux Paralympiques. 21 sports olympiques dans un rayon de 10 km du Village. En Île-de-France, les Jeux vont rayonner autour de Paris et au cœur des Yvelines, Hauts-de-Seine, Seine-et-Marne et Seine-Saint-Denis. Trois villages en région parisienne (village olympique, village paralympique, village médias et des stades sur tout le territoire pour les tournois de football (stade de Bordeaux, stade Pierre Mauroy à Lille, etc.) et Tahiti en Polynésie (le site de Teahupo’o pour le surf).
(2) Voir BTL n° 3948, p. 645.

Propos recueillis par Louis Guarino
Parue au Bulletin des Transports et de la Logistique n° 3950, 27 novembre 2023.●
Source : Actualités du droit