Retour aux articles

Services réguliers dont le parcours de la ligne dépasse occasionnellement 50 km : mise au clair de la CJUE

Transport - Voyageurs
10/11/2023
Dans un arrêt du 9 novembre 2023, la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) clarifie sa position sur la situation des véhicules affectés au transport de voyageurs par des services réguliers sur des parcours de ligne pouvant dépasser occasionnellement 50 kilomètres. Elle énonce que le règlement 561/2006 s’applique uniquement aux trajets depassant cette distance kilométrique. Elle précise par ailleurs ce que couvre la notion de « durée de conduite totale accumulée au cours de deux semaines consécutives ».
Plusieurs salariés, engagés comme conducteurs dans une entreprise de transport routier de voyageurs assurant un service régulier, réclament à leur employeur paiement d’une indemnité correspondant au dépassement de la durée maximale de conduite accumulée au cours de deux semaines consécutives, en violation du règlement 561/2006 sur les temps de repos et de conduite des conducteurs.

La société s'y oppose, soutenant que le règlement 561/2006 ne leur est pas applicable, dès lors que les trajets effectués ne dépassent qu’occasionnellement la limite des 50 kilomètres parcourus. Ledit règlement exclut, en effet, de son champ d'application les véhicules affectés au transport de voyageurs par des services réguliers dont le parcours de la ligne ne dépasse pas 50 kilomètres, et donc, par voie de conséquence, l'ensemble des règles qu'il édicte.

Pour la juridiction italienne, saisie du litige, les véhicules sont utilisés de manière mixte pour des trajets tant inférieurs que supérieurs à 50 kilomètres. Elle se demande si la totalité du transport relève du champ d’application de ce règlement. Elle s'interroge également, dans l'hypothèse où ce règlement trouverait à s'appliquer, sur ce que couvre la durée de conduite accumulée au cours des deux semaines consécutives, et son mode de calcul.

Dans ces conditions, la juridiction décide de saisir la CJUE d'une question préjudicielle relative à l'interprétation du règlement 561/2006 sur les temps de repos et de conduite des conducteurs. Elle souhaite savoir, d'abord, ce que couvre la notion de “parcours” ne dépassant pas 50 kilomètres et comment s'opère le calcul des 50 kilomètres (art. 3, sous a), du règlement 561/2006), pour identifier l'étendue de l'exemption (s'applique t-elle à l'ensemble des trajets ou uniquement aux trajets de moins de 50 kilomètres ?). Elle souhaite, d'autre part, savoir ce que couvre la notion de “durée de conduite totale accumulée au cours de deux semaines consécutives” et si elle inclut toute “autre tâche” au sens de l’article 6, paragraphe 5 du règlement 561/2006.

Notion de « parcours de ligne ne dépassant pas 50 km » : la CJUE la précise et confirme l'exemption

Pour la cour de Luxembourg, le parcours de ligne « se réfère à une distance concrète, parcourue ou à parcourir, par la route suivant un trajet reliant un point de départ à un point d’arrivée, afin d’assurer le transport de voyageurs par des services réguliers auquel le véhicule concerné est affecté ». Ce libellé ne contient donc aucune référence à la distance effectivement parcourue, par la route, par un conducteur au cours d’une période de travail donnée, ou à la distance maximale parcourue par le véhicule concerné depuis son point de départ.

Cette notion de « parcours de la ligne ne [dépassant] pas 50 km », au sens de l’article 3 du règlement 561/2006, doit être comprise comme visant  « un trajet déterminé, ne dépassant pas cette distance, qui relie un point de départ à un point d’arrivée et dessert, le cas échéant, des arrêts intermédiaires préalablement fixés pour prendre en charge et déposer les voyageurs ».
Et la CJUE de conclure que ce « transport routier de voyageurs est exclu du champ d’application de ce règlement, indépendamment du point de savoir si les conducteurs qui y sont affectés couvrent plusieurs de ces trajets au cours d’une même journée de travail et avec le même véhicule ». Ces conducteurs sont soumis à des règles nationales, dans le respect les règles fixées par la directive 2002/15, en ce qui concerne, notamment, les temps de travail, de pause et de repos.

Le règlement 561/2006 s'applique aux parcours de ligne dépassant 50 kilomètres

Le règlement 561/2006 s’applique au transport routier de voyageurs effectué par des véhicules construits ou aménagés de manière permanente pour pouvoir assurer le transport de plus de neuf personnes, conducteur compris, et destinés à cet usage.
L’exemption introduite à l'article 3 du règlement, pour les véhicules ne dépassant pas 50 km, doit être interprétée de manière stricte, « de façon à ne pas étendre ses effets au-delà de ce qui est nécessaire pour assurer la protection des intérêts que cette exception vise à garantir ». Dans ces conditions, si « un usage mixte ne saurait rendre le règlement 561/2006 applicable à l’ensemble des transports réguliers de voyageurs assurés par cette entreprise », ledit règlement doit, à l'inverse, s'appliquer lorsque les trajets dépassent 50 kilomètres.
Pour ceux-là, les règles fixées par le règlement, et notamment son article 6, selon lequel « la durée de conduite totale accumulée au cours de deux semaines consécutives ne doit pas dépasser quatre-vingt-dix heures », s'appliquent.
À cet égard, la Cour de justice précise que cette notion de durée de conduite couvre seulement l'activité de conduite et non pas l'ensemble des activités accomplies par le conducteur pendant son temps de travail. Autrement dit, il s'agit exclusivement « des périodes que le conducteur passe à conduire » et qui relèvent du champ d’application de ce règlement, excluant ainsi du calcul toute « autre tâche », au sens de l’article 6, paragraphe 5.

Source : Actualités du droit