Retour aux articles

Conseil supérieur des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel : pas de méconnaissance des principes d’indépendance et d’impartialité

Public - Droit public général
29/03/2023
Dans une décision du 10 mars 2023, le Conseil d’État a refusé de transmettre une question prioritaire de constitutionnalité portant sur le Conseil supérieur des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel et affirmé que les dispositions des articles L. 232-1 et L. 232-4 du Code de justice administrative, qui encadrent les attributions et la composition de cette instance, ne méconnaissent pas les principes d’indépendance et d’impartialité de la juridiction administrative.
Le litige concernait un arrêté par lequel le vice-président du Conseil d’État avait prononcé la mutation d’une personne en qualité de président du tribunal administratif de Paris. Le requérant demandait au Conseil d’État de renvoyer au Conseil constitutionnel la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions des articles L. 232-1 et L. 232-4 du Code de justice administrative (CJA), estimant qu’elles étaient contraires aux principes d’indépendance et d’impartialité de la juridiction administrative.
 
L’article L. 232-1 fixe les attributions du Conseil supérieur des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel (CSTACAA). En outre, il émet des propositions de nominations, de détachements et d’intégrations des magistrats. Il est également saisi pour avis sur la nomination des magistrats des TA et CAA comme rapporteurs publics, etc.

Indépendance et impartialité
 
L’article L. 232-4 du CJA encadre la composition du CSTACAA, et prévoit qu’il est « présidé par le vice-président du Conseil d'État et comprend en outre :
  • 1° Le conseiller d'État, président de la mission d'inspection des juridictions administratives ;
  • 2° Le secrétaire général du Conseil d'État ;
  • 3° Le directeur chargé au ministère de la justice des services judiciaires ;
  • 4° Un chef de juridiction et un suppléant élus par leurs pairs ;
  • 5° Cinq représentants des magistrats des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel (…) ;
  • 6° Trois personnalités choisies pour leurs compétences dans le domaine du droit (…) ».
 
Le Conseil d’État déclare dans sa décision du 10 mars (CE, 10 mars 2023, n° 464355, Lebon T.) que les attributions et la composition du CSTACAA « concourent à garantir l’indépendance et l’impartialité de la juridiction administrative ».
 
Il ajoute que le fait que l’article L. 232-4 du CJA prévoie qu’il est composé notamment :
  • du vice-président du Conseil d'État, en qualité de président,
  • du conseiller d'État, président de la mission d'inspection des juridictions administratives
  • du secrétaire général du Conseil d'État,
« alors qu'ils disposent de prérogatives sur la gestion du corps des magistrats des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, n'est en rien de nature à porter atteinte à l'indépendance des membres du corps des conseillers des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ».

Absence de question sérieuse
 
Il rappelle également que le Conseil constitutionnel a jugé que les garanties statutaires reconnues au vice-président sur la nomination ou la carrière des membres de la juridiction administrative assurent leur indépendance à son égard (Cons. const., 20 oct. 2017, n° 2017-666 QPC, voir Le Lamy contentieux administratif n° 38).
 
Il annonce alors que « le moyen tiré de ce que ces dispositions méconnaîtraient les principes d'indépendance et d'impartialité indissociables de l'exercice de fonctions juridictionnelles consacrés par l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789 ne soulève pas une question sérieuse », et refuse par conséquent de transmettre la question prioritaire de constitutionnalité au Conseil constitutionnel.
 
Par ailleurs, le requérant soutenait également que les dispositions des deux articles litigieux méconnaîtraient le droit à un recours effectif protégé par l’article 16 de la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen, ainsi que le principe d’égalité devant la justice garantie par les articles 6 et 16 de la même Déclaration. Le Conseil d’État écarte les moyens, indiquant que les deux articles ne sont pas relatifs aux voies de recours contentieux contre les décisions de nomination.
 
Sur l’impartialité de la juridiction administrative, le Conseil d’État a récemment jugé qu’un magistrat désigné comme médiateur dans une affaire ne pouvait pas être rapporteur public lorsque cette même affaire est portée devant les juridictions administratives (CE, 29 déc. 2022, n° 459673, Lebon T., voir Impartialité : un magistrat ne peut être médiateur et rapporteur public dans la même affaire, Actualités du droit, 17 janv. 2023).
 
Début 2022, le Conseil constitutionnel avait par ailleurs validé, à l’occasion d’une question prioritaire de constitutionnalité, les modes de désignation des maîtres des requêtes au Conseil d’État, des conseillers référendaires à la Cour des comptes et des services d’inspection générale de l’État prévus notamment par l’article 6 de l’ordonnance n° 2021-702 du 2 juin 2021 portant réforme de l’encadrement supérieur de la fonction publique de l’État (Cons. const., 14 janv. 2022, n° 2021-961 QPC, voir Mode de désignation des maîtres des requêtes : validation par le Conseil constitutionnel, Actualités du droit, 26 janv. 2022).
Source : Actualités du droit