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Observations présentées sur un moyen susceptible d’être relevé d'office : obligation d’information des autres parties

Public - Droit public général
20/01/2023
Dans une décision rendue le 6 janvier 2023, le Conseil d’État précise que le juge administratif est tenu de communiquer aux autres parties, même après la clôture de l'instruction, les observations présentées sur un moyen qu'il envisage de relever d'office, à la suite de l'information effectuée conformément à l'article R. 611-7 du Code de justice administrative.
Dans son arrêt rendu le 6 janvier 2023 à publier aux tables du Recueil (CE, 6 janv. 2023, n° 449405, Lebon T.), le Conseil d’État vient préciser sa jurisprudence relative à l’article R. 611-7 du Code de justice administrative (CJA).
 
Après la clôture de l’instruction, les parties peuvent être informées sur le fondement de cet article R. 611-7 du CJA que la décision paraît susceptible d’être fondée sur un moyen relevé d’office. Dans ce cas, « le président de la formation de jugement ou le président de la chambre chargée de l'instruction en informe les parties avant la séance de jugement et fixe le délai dans lequel elles peuvent, sans qu'y fasse obstacle la clôture éventuelle de l'instruction, présenter leurs observations sur le moyen communiqué » (CJA, art. R. 611-7, al. 1er).
 
Dans la décision du 6 janvier, la Haute cour déclare que le juge est tenu de communiquer aux autres parties les observations présentées sur un moyen qu’il envisage de relever d’office, à la suite de l’information effectuée.
 
Dans cette affaire, un agent avait été licencié pour insuffisance professionnelle, puis réintégré juridiquement à la suite d’une annulation du licenciement par le tribunal administratif, confirmée en appel. L’employeur n’avait toutefois pas procédé à la réintégration effective, l’ancien emploi ayant déjà été pourvu. Le tribunal administratif avait alors annulé cette décision, puis le jugement avait été annulé en appel.
 
Dans l’affaire présentée devant le Conseil d’État, la cour administrative d’appel (CAA) avait informé les parties de ce qu’elle était susceptible de soulever d’office un moyen, à savoir le moyen tiré de l’illégalité de la décision nommant un fonctionnaire sur le poste anciennement occupé par l’agent licencié. L’employeur avait alors répondu en présentant des observations. Or, la cour n’avait pas communiqué ces observations à l’autre partie, en l’espèce l’agent licencié. Pour le Conseil, il s’agit d’une omission entachant l’arrêt de la CAA d’irrégularité. Le Conseil annule donc l’arrêt d’appel.
 
Cette décision vient compléter la jurisprudence récente rendue sur l’article R. 611-7 du CJA. En effet, dans une décision de section rendue le 25 janvier 2021 (CE, sect., 25 janv. 2021, no 425539, Mme C. et autres, Lebon ; voir Moyen relevé d’office et article R. 611-7 du CJA : précisions importantes du Conseil d’État, Actualités du droit, 27 janv. 2021), le Conseil d’État avait déclaré que ni l'information selon laquelle un moyen est susceptible d'être relevé d'office après la clôture de l'instruction ni les observations des parties en réponse à cette information n'entraînent la réouverture de l'instruction. Il avait précisé que ceci valait y compris dans le cas où, par l'argumentation qu'elle développe, une partie doit être regardée comme ayant expressément repris le moyen énoncé par le juge et soulevé ainsi un nouveau moyen.
 
Le juge n’est obligé de rouvrir l’instruction que si les observations contiennent l’exposé d’une circonstance de fait ou d’un élément de droit qui répond à deux conditions :
  • l’élément est « susceptible d’exercer une influence sur le jugement de l’affaire » ;
  • la partie qui invoque cet élément « n’était pas en mesure (d’en) faire état avant la clôture de l’instruction ».
Source : Actualités du droit