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« Passeports dorés » : la Commission européenne propose de suspendre l’accord d’exemption de visa entre l’UE et le Vanuatu

Affaires - Pénal des affaires
18/01/2022
Estimant que les programmes de citoyenneté par investissement présentaient de graves défaillances et failles de sécurité, la Commission propose de suspendre partiellement l’accord d’exemption de visa entre l’Union européenne (UE) et le Vanuatu, qui permet depuis 2015 aux ressortissants de l’archipel de se rendre dans l’UE sans visa pour un court séjour.
 
Passeports contre investissements : des risques accrus de blanchiment, corruption et fraude fiscale
 
Le Vanuatu applique des programmes de citoyenneté par investissement (ou régimes de « passeports dorés »), en vertu desquels la nationalité vanuatuane est accordée à des ressortissants d’autres pays n’ayant aucun lien préalable avec l’archipel mélanésien. Ces programmes font l’objet d’une promotion commerciale affichant l’objectif d’accorder un accès sans visa à l’UE.
 
C’est dans ce contexte que, dès 2017, la Commission a commencé à enquêter sur ces programmes, dans le cadre desquels de nombreux passeports ont été délivrés, avec un taux de refus extrêmement faible : jusqu'en 2020, une seule demande avait été rejetée.
 
Suspectant des failles de sécurité sur ces programmes, la Commission avait obtenu du gouvernement vanuatuan plusieurs assurances concernant les procédures d’enquête de sécurité, parmi lesquelles des vérifications au sein des bases de données d’Interpol : or, il a été révélé en juillet 2019 que des demandeurs qui figuraient pourtant dans les bases de données de l’organisation de police internationale avaient obtenu la citoyenneté dans le cadre de ces programmes. Cela avait notamment été rendu possible grâce à la falsification de casiers judiciaires.
 
Un risque pour la sécurité intérieure de l’UE
 
Sur la base des informations reçues du Vanuatu, la Commission a conclu que ces programmes de citoyenneté destinés aux investisseurs présentaient de graves défaillances et failles de sécurité, susceptibles de créer un risque pour la sécurité intérieure de l’UE et ses États membres. Les explications fournies par le Vanuatu n’ont pas été jugées suffisantes pour dissiper les inquiétudes de la Commission, qui a considéré que l’examen des demandes relatives aux programmes de citoyenneté par investissement ne garantissait pas un niveau élevé de sécurité. Elle a ainsi retenu :
  • un délai moyen de traitement des demandes trop court pour permettre un examen approfondi ;
  • l’absence d’échange systématique d’informations avec le pays d’origine ou de résidence principale des demandeurs avant l’octroi de la citoyenneté ;
  • l’absence d’exigence de résidence ou présence physique au Vanuatu ;
  • l’absence d’obligation de se soumettre à un entretien sur place.
 
Le nombre particulièrement élevé de candidats retenus et le taux de rejet, très faible, ont également suscité l’inquiétude. Enfin, les programmes mis en place par le Vanuatu permettent aux ressortissants soumis à l’obligation de visa de contourner la procédure normale de visa Schengen et l’évaluation approfondie des risques individuels qu’elle comporte, ne garantissant pas, de fait, le niveau élevé de sécurité mentionné dans le rapport de la Commission de 2019 sur les programmes de citoyenneté et de résidence par investissement.
 
La Commission a donc proposé de suspendre partiellement l’accord relatif à l’exemption de visa de court séjour. Si le Conseil l'adopte, cette suspension partielle ne sera levée qu'une fois que l’UE aura estimé que les motifs de la suspension ont cessé d’exister, mais, si ces motifs persistent, le droit de l’UE prévoit la possibilité d’un transfert permanent sur la liste des pays soumis à l’obligation de visa.
 
Cette suspension devrait concerner tous les passeports ordinaires délivrés depuis le 25 mai 2015, date à laquelle le Vanuatu a commencé à délivrer un nombre important de passeports en échange d’investissements.
Source : Actualités du droit