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La semaine de la procédure pénale

Pénal - Procédure pénale
19/10/2020
Présentation des dispositifs des arrêts publiés au Bulletin criminel de la Cour de cassation, en procédure pénale, la semaine du 12 octobre 2020.
Détention provisoire – mouvement des avocats – circonstance insurmontable
« Détenu en exécution d’un mandat de dépôt criminel du 11 octobre 2016 et d’un arrêt de mise en accusation du 21 octobre 2019, M. X... a saisi la chambre de l’instruction, le 30 janvier 2020, d’une demande de mise en liberté en application des dispositions des articles 148-1 et 148-2 du Code de procédure pénale.
Par arrêt du 3 mars 2020, la chambre de l’instruction a rejeté sa demande.
 
Vu les articles 148-1 et 148-2 du Code de procédure pénale :
Il résulte du second de ces textes que lorsqu’une juridiction est appelée à statuer, en application du premier, sur une demande de mise en liberté, elle doit se prononcer à compter de la réception de celle-ci, dans le délai que fixe le deuxième alinéa dudit article 148-2, faute de quoi le demandeur est remis d’office en liberté, sauf si des circonstances imprévisibles et insurmontables, extérieures au service de la justice, mettent obstacle au jugement de l’affaire dans le délai prévu.
Pour rejeter la demande de mise en liberté, l’arrêt attaqué retient que le délai d’examen de la demande n’a pu être respecté en raison d’un cas de force majeure.
Les juges relèvent, en effet, que l’afflux soudain, dans des proportions importantes, de recours sur des demandes formées en première instance ou de saisines directes relevant du contentieux de la détention, accru par des demandes de mainlevée de contrôle judiciaire, a présenté un caractère imprévisible. Ils ajoutent que les courriers officiels du bâtonnier du barreau de Paris, successivement adressés aux chefs de juridiction depuis le 8 janvier 2020 au gré des reconductions de la mobilisation de la profession d’avocat contre le projet de réforme de son régime de retraite, n’ont jamais évoqué une telle pratique, se limitant à annoncer une absence de désignation d’avocats et de permanences ainsi qu’un appel au renvoi de toutes les affaires audiencées.
Les juges estiment, en outre, que cet engorgement provoqué est la conséquence recherchée de la « grève du zèle » d’avocats qui ne sont pas partie intégrante du service public de la justice, qui est, en conséquence, un fait extérieur à celui-ci.
Ils soulignent enfin le caractère insurmontable de cet afflux de demandes : la mise en place d’une organisation spécifique et exceptionnelle pour tendre à assurer le traitement de ces procédures dans les délais légaux n’a pas permis de procéder à un traitement normal de l’ensemble des procédures qui leur ont été soumises.
Ils en déduisent que le mouvement des avocats a constitué une circonstance imprévisible et insurmontable, extérieure au service de la justice, constitutive du cas de force majeure permettant de passer outre le caractère impératif des délais fixés par l’article 148-2 du Code de procédure pénale.
En prononçant ainsi, alors qu’un afflux massif de demandes de mise en liberté, dont le dépôt est un droit pour toute personne placée en détention provisoire, ne constitue pas, pour le service de la justice, une circonstance insurmontable permettant de dépasser les délais fixés aux articles susvisés, la chambre de l’instruction a violé lesdits articles.
Portée et conséquence de la cassation
M. X... doit être remis en liberté, sauf s’il est détenu pour autre cause.
Cependant, les dispositions de l’article 803-7, alinéa 1, du Code de procédure pénale permettent à la Cour de cassation de placer sous contrôle judiciaire la personne dont la détention provisoire est irrégulière en raison de la méconnaissance des délais prévus audit code, dès lors qu’elle trouve dans les pièces de la procédure des éléments d’information pertinents et que la mesure apparaît indispensable pour assurer l’un des objectifs énumérés à l’article 144 du même Code ».
Cass. crim., 13 oct. 2020, n° 20-82.016, P+B+I *
 
Détention provisoire – placement – appel – examen immédiat – délai  
« M. X..., mis en examen des chefs susvisés, a fait l’objet d’une ordonnance de placement en détention après débat différé, le vendredi 5 juin 2020.
Le lundi 8 juin 2020, il a formé appel de cette ordonnance et, conformément aux dispositions de l’ article 187-1 du Code de procédure pénale, a sollicité du président de la chambre de l’instruction qu’il examine immédiatement cet appel.
 
Vu les articles 187-1 et 801 du Code de procédure pénale :
En application du premier de ces textes, en cas d’appel d’une ordonnance de placement en détention provisoire, la personne mise en examen ou le procureur de la République peut, si l’appel est interjeté au plus tard le jour suivant la décision de placement en détention, demander au président de la chambre de l’instruction d’examiner immédiatement son appel sans attendre l’audience de cette juridiction. Cette demande doit, à peine d’irrecevabilité, être formée en même temps que l’appel devant la chambre de l’instruction.
En vertu du second de ces textes, le délai qui expirerait normalement un samedi ou un dimanche ou un jour férié ou chômé est prorogé jusqu’au premier jour ouvrable suivant.
En déclarant irrecevable la demande d’examen immédiat de l’appel interjeté contre l’ordonnance de placement en détention provisoire, comme formée plus d’un jour après la décision de placement en détention alors que cette décision intervenue le vendredi 5 juin 2020, pouvait encore faire l’objet d’un appel et d’une demande d’examen immédiat, le lundi 8 juin, le président de la chambre de l’instruction a excédé ses pouvoirs.
L’annulation est par suite encourue.
Portée et conséquences de l’annulation
La chambre de l’instruction ayant statué sur l’appel du demandeur, il n’y a pas lieu de renvoyer l’examen de la demande d’appel immédiat devant la juridiction du président autrement présidée, mais de retourner le dossier au juge d’instruction compétent, actuellement en charge de l’information ».
Cass. crim., 14 oct. 2020, n° 20-83.087, P+B+I *
 
Mineur – mandat d’amener – privation de liberté
« A... X..., né le [...] 2004, a été mis en examen le 30 janvier 2020, par le juge des enfants de Nancy, du chef de vols en réunion.
Il a été placé sous contrôle judiciaire et confié à l’aide sociale à l’enfance.
Le 6 mars 2020, le parquet de Nancy a été informé par le commissariat de Toulouse d’un nouveau placement en garde à vue pour vol aggravé de A... X.... Le juge d’instruction de permanence de Nancy, agissant en remplacement du juge des enfants, a délivré un mandat d’amener.
Le 7 mars 2020, l’intéressé a été écroué en exécution de ce mandat à l’établissement pénitentiaire de Lavaur (81).
Le 9 mars, le juge des enfants a ordonné sa mise en liberté.
Le ministère public a interjeté appel de cette décision.
 
Vu les articles 122, alinéa 3, 127, 128 et 129 du Code de procédure pénale :
Il résulte de ces articles que le mandat d’amener peut être décerné à l’encontre d’une personne contre laquelle il existe des indices graves ou concordants rendant vraisemblable qu’elle ait pu participer, comme auteur ou complice, à la commission d’une infraction.
Lorsque la personne recherchée en vertu d’un mandat d’amener est trouvée à plus de 200 km du siège du juge d’instruction ou du juge des enfants qui a délivré le mandat, et qu’il n’est pas possible de la conduire dans le délai de vingt-quatre heures devant ce magistrat, elle est conduite devant le juge des libertés et de la détention du lieu de l’arrestation qui lui demande notamment si elle accepte son transfert ou si elle préfère prolonger les effets du mandat en attendant, au lieu où elle se trouve, la décision du juge mandant. Si la personne refuse son transfert, elle est conduite dans la maison d’arrêt, et avis immédiat est donné au juge d’instruction compétent, qui apprécie, après réception des pièces transmises, s’il maintient le transfert ou y renonce.
Pour confirmer l’ordonnance de mise en liberté du juge des enfants, les juges retiennent que les articles 123, 127, 128, 129 et 130-1 du Code de procédure pénale donnent au magistrat qui décerne le mandat d’amener l’entière maîtrise de l’exécution de ce dernier puisque, in fine, il décide ou non d’ordonner le transfèrement de la personne découverte à plus de 200 kilomètres et qu’en cas de non-respect des délais de transfèrement, la personne est libérée sur l’ordre du magistrat saisi de l’affaire.
Les juges ajoutent qu’il résulte des articles 10-2 et 11 de l’ordonnance du 2 février 1945 relative à l’enfance délinquante que les mineurs de treize à dix-huit ans mis en examen par le juge d’instruction ou le juge des enfants ne peuvent être placés en détention provisoire par le juge des libertés et de la détention que dans les cas qu’ils précisent ou si le contrôle judiciaire comporte l’obligation de respecter les conditions d’un placement dans un centre éducatif fermé prévu à l’article 33 de la même ordonnance.
Les juges relèvent qu’en l’espèce, A... X..., mineur de 15 ans comme étant né le [...] 2004, a été mis en examen du chef de vol en réunion ce qui lui fait encourir une peine de cinq ans d’emprisonnement ; que, du fait de son âge et de la qualification retenue, la seule mesure coercitive qui pouvait être prise à son encontre était une mesure de contrôle judiciaire, ce qui a été décidé par le juge des enfants ; que le mineur s’étant soustrait à plusieurs des obligations de ce contrôle judiciaire, le juge des enfants ne pouvait que renforcer ses obligations et ordonner son placement en centre éducatif fermé ; que, s’il est constant que l’ordonnance d’incarcération provisoire subie en exécution d’un mandat d’amener n’est pas un titre de détention et par conséquent ne constitue pas le point de départ de la détention provisoire, il n’en reste pas moins qu’il s’agit d’une privation de liberté qui s’impute sur la peine prononcée par la juridiction de jugement en application des dispositions de l’article 716-4 alinéa 2 du Code de procédure pénale.
La chambre de l’instruction conclut que si un mandat d’amener peut être délivré contre toute personne à l’encontre de laquelle il existe des indices graves ou concordants rendant vraisemblable qu’elle ait pu participer, comme auteur ou complice, à la commission d’une infraction, sans que l’article 122 du Code de procédure pénale n’exige que cette infraction soit réprimée par une peine privative de liberté, il n’en reste pas moins que la conciliation entre la prévention des atteintes à l’ordre public et la recherche des auteurs d’infractions, d’une part, et l’exercice des libertés constitutionnellement garanties, d’autre part, ne peut être regardée comme équilibrée lorsque la privation de liberté résultant de l’exécution d’un mandat d’amener excède vingt-quatre heures, durée de principe de la rétention dans un tel cadre selon l’article 126 du Code de procédure pénale, lorsque la personne à l’encontre de laquelle le mandat d’amener est décerné n’est pas susceptible d’être placée en détention provisoire.
 
En se déterminant ainsi, la chambre de l’instruction a méconnu les textes susvisés pour les motifs qui suivent.
En premier lieu, la privation de liberté subie en exécution d’un mandat d’amener ne fait pas courir la détention provisoire.
En second lieu, si la conciliation entre, d’une part, la prévention des atteintes à l’ordre public et la recherche des auteurs d’infractions et, d’autre part, l’exercice des libertés constitutionnellement garanties ne pourrait être regardée comme équilibrée si la privation de liberté prévue par l’article 130 pouvait être mise en œuvre, dans le cadre d’un mandat d’amener, à l’encontre d’une personne qui n’encourt pas une peine d’emprisonnement correctionnelle ou une peine plus grave (Cons Constit, 24 juin 2011, n° 2011-133 QPC), tel n’est pas le cas lorsque cette personne, qui encourt une peine de cette nature, ne peut pas être placée en détention provisoire  ».
Cass. crim., 14 oct. 2020, n° 20-83.011, P+B+I *
 
QPC – détention provisoire – lieu de détention
« La première question prioritaire de constitutionnalité est ainsi rédigée : « Les dispositions des articles 22 et 35 de la loi n° 2009-1436 du 24 novembre 2009 pénitentiaire portent-elles atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution en ce qu’elles méconnaissent, d’une part, la compétence confiée au législateur par l’article 34 de la Constitution et, d’autre part, le droit de mener une vie familiale normale garanti par le préambule de la Constitution de 1946 ? ».
La seconde question prioritaire de constitutionnalité est ainsi rédigée : «  Les dispositions combinées des articles 2 et 22 de la loi n° 2009-1436 du 24 novembre 2009 pénitentiaire et 728 du Code de procédure pénale, qui n’encadrent pas le statut des détenus particulièrement signalés, portent-elles atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit en ce qu’elles méconnaissent, d’une part, la compétence confiée au législateur par l’article 34 de la Constitution et, d’autre part, le droit à la sûreté et à la présomption d’innocence garantis par les articles 2 et 9 de la Déclaration de 1789 ? »
Les dispositions contestées sont applicables au litige.
 
La première question prioritaire de constitutionnalité est sérieuse en ce qu’il n’existe aucune procédure permettant à la personne placée en détention provisoire de solliciter du juge d’instruction le changement de son lieu de détention, ce qui est de nature à la priver de la faculté de faire valoir une atteinte excessive portée à sa vie privée et familiale.
La seconde question n’est pas sérieuse dès lors que, selon l’instruction ministérielle du 18 décembre 2007, prise sur le fondement de l’article D. 276-1 du Code de procédure pénale, si l’inscription d’un détenu au répertoire des détenus spécialement signalés, qui a pour objet d’appeler l’attention des personnels pénitentiaires et des autorités amenées à le prendre en charge, en intensifiant à son égard les mesures particulières de surveillance, de précaution et de contrôle prévues pour l’ensemble des détenus par les dispositions législatives et réglementaires en vigueur, peut constituer un élément de nature à orienter le choix de l’établissement dans lequel le détenu concerné est affecté, elle ne détermine pas le lieu géographique de la détention provisoire, qui relève de la seule décision du juge d’instruction.
En conséquence, la première question sera transmise et la seconde question ne sera pas transmise ».
Cass. crim., 14 oct. 2020, n° 20-84.077, P+B+I *
 
QPC – sursoir à statuer – détention provisoire – éloignement
« Le 5 décembre 2017, vers 11 heures 20, sur le parking de l'aéroport de Bastia-Poretta, deux personnes, liées au grand banditisme, ont été atteintes par de nombreux tirs d'armes à feu.
Le 8 juin 2018, M. X a été mis en examen des chefs d’assassinat et tentative d’assassinat. Le même jour, il a été placé en détention provisoire.
Le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Marseille a rendu le 8 juin 2020 une ordonnance portant prolongation de la détention provisoire de M. X pour une durée de six mois, au visa de l'article 16-1 de l'ordonnance du 25 mars 2020, telle que modifiée par la loi du 11 mai 2020.
La personne mise en examen a interjeté appel de cette ordonnance.
 
Par arrêt de ce jour, la Cour de cassation a dit n'y avoir lieu de transmettre au Conseil constitutionnel la seconde question prioritaire de constitutionnalité. Elle a ordonné la transmission de la première question prioritaire de constitutionnalité.
L'article 23-5, alinéa 4, de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel dispose que lorsque le Conseil constitutionnel a été saisi, le Conseil d'Etat ou la Cour de cassation sursoit à statuer jusqu'à ce qu'il se soit prononcé. Il en va autrement quand l'intéressé est privé de liberté à raison de l'instance et que la loi prévoit que la Cour de cassation statue dans un délai déterminé.
Il est rappelé que, dans sa décision n° 2009-595 DC du 3 décembre 2009, le Conseil constitutionnel a jugé que si l'alinéa 4 de l'article précité peut conduire à ce qu'une décision définitive soit rendue dans une instance à l'occasion de laquelle le Conseil constitutionnel a été saisi d'une question prioritaire de constitutionnalité et sans attendre qu'il ait statué, dans une telle hypothèse, ni cette disposition ni l'autorité de la chose jugée ne sauraient priver le justiciable de la faculté d'introduire une nouvelle instance pour qu'il puisse être tenu compte de la décision du Conseil constitutionnel.
 
Pour répondre à l’argumentation du demandeur, qui prétendait que le lieu de son incarcération constituait une ingérence disproportionnée à sa vie privée et familiale, au sens de l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme, l’arrêt relève qu’en l'état des éléments soumis à la cour il n'apparaît pas qu'à ce jour, compte tenu de la gravité des faits sur lesquels porte l'instruction et des nécessités de la conduite de celle-ci, l'incarcération de M. X, père d'une jeune enfant, porte une atteinte disproportionnée à des intérêts familiaux légitimes ni non plus qu'elle mette en danger la santé, la sécurité et la moralité de cette enfant ou que son éducation en soit gravement compromise.
Les juges ajoutent qu'il n'appartient pas à la chambre de l'instruction, dans le cadre de son office résultant des termes et du champ de sa saisine, de déterminer dans quel établissement ni non plus sous quel régime particulier éventuel l'intéressé doit être incarcéré.
S’il n’appartient pas à la chambre de l’instruction de déterminer dans quel établissement une détention provisoire doit être accomplie, c’est à tort que la juridiction n’a évoqué, dans sa réponse, que les éléments pouvant justifier cette détention et non celles susceptibles de répondre à la contestation d’un éloignement pouvant porter une atteinte excessive à la vie familiale du demandeur.
La cassation n’est toutefois pas encourue dès lors qu’il n’est pas établi ni même allégué que M. X ait sollicité du magistrat instructeur son changement d’affectation ».
Cass. crim., 14 oct. 2020, n° 20-84.077, P+B+I *
 
Prescription – loi – application
« A l’issue d’une enquête dont le dernier acte d’investigation est daté du 14 novembre 2014, le procureur de la République a, par acte en date du 7 août 2015, fait citer M. X... devant la juridiction correctionnelle des chefs de récidive des délits d’exécution d’un travail dissimulé, d’emploi d’un étranger non muni d’une autorisation de travail salarié, d’opération illicite de prêt de main d’oeuvre exclusif dans un but lucratif, d’exercice d’activité de travail temporaire hors du cadre d’une entreprise de travail temporaire, d’exercice d’activité d’entrepreneur de travail temporaire sans déclaration préalable et sans garantie financière, enfin, d’embauche d’un salarié par entrepreneur de travail temporaire sans contrat écrit conforme, faits commis au cours de l’année 2012.
Le tribunal correctionnel, par jugement du 19 décembre 2015, a déclaré les faits établis et est entré en voie de condamnation.
Le prévenu ayant formé opposition à cette décision par lettre reçue le 26 décembre 2017, la juridiction correctionnelle, par jugement du 12 février 2019, a déclaré l’opposition recevable, a annulé la citation du 7 août 2015 ainsi que le jugement subséquent, puis a retenu le prévenu dans les liens de la prévention et prononcé des peines.
L’intéressé et le ministère public ont relevé appel de cette décision.
 
Pour écarter l’argumentation du prévenu selon laquelle il résulte de ce que les conditions d’application de l’article 4 de la loi n° 2017-242 du 27 février 2017 ne sont pas réunies, l’action publique ayant été mise en mouvement et exercée, vainement, par l’acte de citation du 7 août 2015, depuis lors annulé, que la prescription applicable était de trois ans, selon l’article 8 du Code de procédure pénale dans sa version antérieure à la loi précitée, seul applicable, et non de six ans, comme désormais, et qu’elle était donc acquise au plus tard au 14 novembre 2017, avant que le prévenu ne forme opposition, l’arrêt relève que la prescription n’était pas acquise au 1er mars 2017, date de l’entrée en vigueur de la loi du 27 février 2017, le dernier acte interruptif de prescription étant du 14 novembre 2014, en sorte que la loi nouvelle, allongeant le délai de prescription de droit commun des délits à six ans, était applicable aux faits en cause conformément à l’article 112-2, 4°, du Code pénal.
Les juges en concluent que l’article 4 de la loi du 27 février 2017, qui a pour finalité d’éviter la remise en cause de la validité des procédures en cours, ne saurait mettre en échec l’application de l’article 112-2, 4°, du Code pénal, et qu’en conséquence les faits ne sont pas prescrits.
En statuant ainsi, la cour d’appel n’a méconnu aucun des textes visés au moyen.
En effet, il résulte des travaux parlementaires que l’article 4 de la loi du 27 février 2017 a eu pour seule finalité, selon l’intention du législateur, de prévenir la prescription de certaines infractions occultes ou dissimulées par l’effet de la loi nouvelle, laquelle prévoit notamment que le délai de prescription de ces infractions, quand il s’agit de délits, ne peut excéder douze années révolues à compter du jour où l’infraction a été commise, alors que selon la jurisprudence constante de la Cour de cassation, ces infractions ne se prescrivaient qu’à partir du moment où le délit est apparu et a pu être constaté dans des conditions permettant l’exercice de l’action publique.
Dès lors, ce texte doit être interprété restrictivement et ne saurait avoir pour effet de déroger de façon générale aux dispositions de l’article 112-2, 4°, du Code pénal, selon lesquelles les lois relatives à la prescription de l’action publique sont applicables immédiatement à la répression des infractions commises avant leur entrée en vigueur, lorsque les prescriptions ne sont pas acquises ».
Cass. crim., 13 oct. 2020, n° 19-87.787, P+B+I *
 
Détention provisoire – décision d’enquête européenne – transfert – Covid-19  
« M. X... a été placé sous mandat de dépôt criminel le 27 septembre 2018.
Il a été transféré le 11 février 2020 en Belgique, dans le cadre d’une décision d’enquête européenne qui devait prendre fin le 18 mars 2020.
Le retour en France de l’intéressé était fixé au 16 mars 2020.
A cette date, l’administration pénitentiaire française a informé le juge d’instruction que celui-ci ne pouvait avoir lieu, la situation sanitaire liée à l’épidémie de covid-19 la conduisant à suspendre les transferts durant quinze jours.
Le 23 mars 2020, M. X... a formé une demande de mise en liberté qui a été rejetée par ordonnance du juge des libertés et de la détention en date du 26 mars 2020.
M. X... a relevé appel de cette décision.
 
Pour confirmer l’ordonnance du juge des libertés et de la détention et écarter l’argumentation de la personne mise en examen qui soutenait que son maintien en détention en Belgique au-delà du délai fixé pour son transfèrement temporaire faisait obstacle à l’exercice des droits de la défense, l’arrêt relève en substance que l’épidémie de Covid-19 constitue une circonstance insurmontable et imprévisible ayant fait obstacle au transfèrement de M. X....
En l’état de ces énonciations, la chambre de l’instruction n’a méconnu aucun des textes visés au moyen.
En effet, d’une part, le dépassement du délai fixé pour le retour en France d’une personne détenue, transférée temporairement au titre d’une décision d’enquête européenne, n’est pas sanctionné par la mise en liberté de l’intéressé.
D’autre part, le confinement ordonné en France le 16 mars 2020, avec prise d’effet le 17 mars 2020, en raison de l’épidémie de Covid-19, constitue une circonstance insurmontable et imprévisible, extérieure au service de la justice, qui a fait obstacle au retour de M. X... en France et par voie de conséquence à une libre communication de celui-ci avec son conseil sur son lieu de détention.
Dès lors, il appartenait au conseil de M. X..., s’il estimait n’être pas en mesure d’assurer la défense de la personne mise en examen à l’occasion de sa demande de mise en liberté, de solliciter un renvoi de l’audience de la chambre de l’instruction, encore possible avant l’expiration du délai prévu à l’article 194 du Code de procédure pénale, prorogé d’un mois en application de l’article 18 de l’ordonnance n° 2020-303 du 25 mars 2020, afin de permettre l’organisation d’une communication audiovisuelle ou téléphonique entre eux ».
Cass. crim., 13 oct. 2020, n° 20-82.376, P+B+I *
 
Détention  provisoire – prolongation de plein droit – droit d’appel  
« M. X..., mis en examen pour tentative de meurtre, a été placé en détention provisoire le 6 avril 2019.
Le 16 mars 2020, le juge d’instruction a saisi le juge des libertés et de la détention aux fins de prolongation de la détention provisoire de l’intéressé.
Par ordonnance en date du 2 avril 2020, le juge des libertés et de la détention a déclaré sans objet sa saisine et a constaté la prolongation de plein droit de la détention provisoire, en application de l’article 16 de l’ordonnance n° 2020-303 du 25 mars 2020.
La personne mise en examen a relevé appel de cette décision.
 
Vu les articles 6, § 1, de la Convention européenne des droits de l’homme et 186 du Code de procédure pénale, tel qu’interprété par le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2011-153 QPC du 13 juillet 2011 :
Il se déduit de ces articles que le droit d’appel appartient à la personne mise en examen contre toute ordonnance du juge des libertés et de la détention faisant grief à ses droits et dont elle ne pourrait remettre en cause les dispositions ni dans les formes prévues par les articles 186 à 186-3 du Code de procédure pénale ni dans la suite de la procédure.
Pour déclarer irrecevable l’appel de la personne mise en examen, l’arrêt énonce que l’ordonnance du juge des libertés et de la détention ne présente aucune caractéristique d’une décision juridictionnelle et ne crée en elle-même aucun grief à l’appelant, la détention n’étant pas poursuivie du fait de cette décision mais du fait d’un changement de dispositions à valeur législative.
En prononçant ainsi, la chambre de l’instruction a méconnu le texte susvisé et le principe ci-dessus rappelé.
En effet, d’une part, la décision du juge des libertés et de la détention qui constate que la détention provisoire de la personne mise en examen, dont le titre vient à expiration, est prolongée d’une durée de six mois, fût-ce par l’effet de la loi, lui cause nécessairement grief.
D’autre part, ni l’article 16 de l’ordonnance précitée ni aucune autre disposition du Code de procédure pénale ne permettent à la personne mise en examen de contester la prolongation de plein droit de sa détention provisoire.
 
Portée et conséquences de la cassation
La prolongation sans intervention judiciaire du titre de détention venant à expiration prévue à l’article 16 de l’ordonnance du 25 mars 2020 est régulière si la juridiction qui aurait été compétente pour prolonger la détention rend, en matière criminelle, dans les trois mois de la date d’expiration du titre ayant été prolongé de plein droit, une décision par laquelle elle se prononce sur le bien-fondé du maintien en détention (Crim., 26 mai 2020, pourvoi n° 20-81.910).
Il résulte des pièces de la procédure que, par arrêt en date du 3 juin 2020, la chambre de l’instruction a confirmé l’ordonnance du juge des libertés et de la détention ayant rejeté la demande de mise en liberté de la personne mise en examen.
Dès lors, la prolongation de plein droit de la détention provisoire de l’intéressé est régulière.
En conséquence, n’impliquant pas qu’il soit à nouveau statué sur le fond, la cassation aura lieu sans renvoi, ainsi que le permet l’article L. 411-3, alinéa 3, du Code de l’organisation judiciaire ».
Cass. crim., 13 oct. 2020, n° 20-82.322, P+B+I *
 
Annulation d’actes – action de la partie civile – secret professionnel  
« Vu les articles 6-1 et 174 du Code de procédure pénale :
Il résulte du premier de ces textes que, lorsque les délits dénoncés impliquent la violation de dispositions de procédure pénale, l’action publique ne peut être engagée qu’après la constatation définitive du caractère illégal des actes accomplis.
Le second de ces textes interdit de tirer des actes et des pièces ou parties d’actes ou de pièces annulés aucun renseignement contre les parties. Toutefois, une telle interdiction ne s’applique pas à la partie qui, ayant bénéficié de l’annulation d’actes portant atteinte à ses intérêts, s’en prévaut dans le cadre d’une procédure distincte.
Enfin, lorsque des investigations ont été annulées en application du premier de ces textes au motif que la plainte avec constitution de partie civile à la suite de laquelle elles ont été effectuées, qui se prévalait de la violation antérieure de dispositions de procédure pénale, avait été déposée avant que le caractère illégal des actes accomplis eût été définitivement constaté, le second de ces textes ne saurait interdire que, sur une plainte identique, réitérée une fois satisfaite cette condition, le juge d’instruction procède à nouveau aux investigations précédemment annulées.
Pour prononcer l’annulation de la perquisition diligentée dans les locaux de l’IGPN et de la saisie d’une copie d’archives de la procédure d’enquête préliminaire ouverte du chef de violation du secret de l’instruction le 2 septembre 2010, ainsi que des actes subséquents, l’arrêt relève que cette procédure a été annulée par arrêt du 5 mai 2011 de la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Bordeaux et par arrêt du 22 mars 2012 de la 6e chambre de l’instruction de la cour d’appel de Paris.
Les juges énoncent qu’il n’était dès lors pas possible d’informer à nouveau sur les réquisitions ordonnées dans le cadre de cette enquête préliminaire qui avaient été annulées.
Ils retiennent que la plainte déposée le 2 juillet 2014 par la société éditrice du Monde et par les journalistes précités, identique à celle déposée le 25 février 2011, est intervenue alors que l’arrêt du 22 mars 2012 était définitif.
Les juges en déduisent que la perquisition et la saisie d’une copie d’archives dans les locaux de l’IGPN n’ont été que des artifices pour retrouver une copie des pièces annulées par cette décision.
En se déterminant ainsi, la chambre de l’instruction a méconnu les textes susvisés et les principes ci-dessus rappelés pour les motifs qui suivent.
En premier lieu, les juges ne pouvaient retenir que l’annulation des actes concernés, par arrêt du 5 mai 2011 de la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Bordeaux, constituait un obstacle à l’action de la partie civile, alors que cette décision était la condition de sa recevabilité.
En second lieu, ils ne pouvaient déduire de la seule réitération d’actes annulés par un juge d’instruction l’existence d’un artifice de nature à reconstituer, au mépris des droits de la défense, la substance des actes annulés dans une autre procédure, alors que cette annulation avait été prononcée au seul motif que les actes avaient été effectués avant que la condition résultant de l’article 6-1 du Code de procédure pénale ne soit satisfaite ».
Cass. crim., 13 oct. 2020, n° 20-80.490, P+B+I *
 
Mise en examen supplétive – enregistrement audiovisuel  
« A la suite d’une enquête préliminaire relative à des faits de recels en bande organisée de métaux précieux et de bijoux provenant de vol et de blanchiment, une information judiciaire a été ouverte le 11 juillet 2014 des chefs de recels en bande organisée, association de malfaiteurs et blanchiment en bande organisée, au cours de laquelle ont été mis en cause, notamment, Mme X..., directrice d’un palace à Marrakech, soupçonnée de faire échapper d’importantes sommes d’argent au fisc marocain en remettant des espèces à des intermédiaires finançant des trafics et alimentant, en contrepartie, le compte bancaire ouvert à son nom dans la banque suisse Y... et Cie, ainsi que M. Y..., responsable du compte de Mme X... dans ladite banque.
Plusieurs réquisitoires supplétifs sont intervenus, notamment le 16 octobre 2015 étendant la période prévention jusqu’à octobre 2015.
Mme X... a été mise en examen le 25 novembre 2016 des chefs de blanchiment aggravé et association de malfaiteurs en raison de faits commis jusqu’au 13 octobre 2015, puis a fait l’objet d’une mise en examen supplétive le 16 août 2018 pour des faits commis jusqu’en novembre 2016.
M. Y..., interpellé et placé en garde à vue le 11 février 2018, a été mis en examen le 13 février suivant, des mêmes chefs, pour des faits commis jusqu’en novembre 2016.
Mme X... et M. Y... ont saisi la chambre de l’instruction de requêtes en nullité, auxquelles celle-ci a fait partiellement droit en annulant les mises en examen supplétive de la première et la mise en examen du second, mais uniquement du chef d’association de malfaiteurs pour des faits commis jusqu’en novembre 2016.
 
Pour dire que le juge d’instruction était fondé à mettre supplétivement en examen Mme X... au titre des faits susceptibles d’avoir été commis en Belgique et en Suisse, l’arrêt retient que la compréhension du mécanisme de blanchiment ne peut être conçue à compter des seuls actes commis sur le territoire national, qui ne prennent sens qu’au regard de la mise en évidence des actes commis à l’étranger, ces actes étant indivisibles et constituant une opération unique, de sorte que le juge d’instruction était autorisé à informer sur l’ensemble des faits, alors même que le réquisitoire supplétif du 13 février 2018 ne viserait que les faits commis sur le territoire national.
En prononçant ainsi, les juges n’encourent pas le grief allégué dès lors que le juge d’instruction était saisi des faits commis en Belgique et en Suisse, indivisibles de ceux commis en France dont ils n’étaient que le prolongement.
 
Pour écarter le moyen de nullité, selon lequel l’interrogatoire de Mme X... du 16 août 2018 ayant donné lieu à sa mise en examen supplétive aurait dû faire l’objet d’un enregistrement audiovisuel, l’arrêt attaqué énonce que l’exigence d’un enregistrement audiovisuel prévu par l’article 116-1 alinéa 1er du Code de procédure pénale concerne les seuls interrogatoires des personnes mises en examen pour des faits de nature criminelle, ce qui n’est pas le cas de Mme X... qui n’est poursuivie que pour des délits, peu important qu’elle le soit dans le cadre d’une procédure criminelle.
En l’état de ces énonciations, et dès lors que l’article 116-1 alinéa 1er dudit Code vise à faire bénéficier d’une protection plus grande les personnes mises en examen d’un chef criminel, la chambre de l’instruction a fait l’exacte application des textes visés au moyen ».
Cass. crim., 13 oct. 2020, n° 20-81.199, P+B+I *
 
Action civile – secret professionnel – violation  
« M. et Mme X..., respectivement cardiologue et chirurgien-dentiste, et la société Y..., au sein de laquelle les précités exercent, ont fait citer devant le tribunal correctionnel Mme Z... du chef de violation du secret professionnel, en exposant qu’elle avait produit, dans le cadre du litige prud’homal qui l’opposait à la société précitée, son ancien employeur, des carnets de rendez-vous et de correspondance ainsi que le dossier médical d’un patient et qu’une telle divulgation de documents soumis au secret professionnel avait porté atteinte, d’une part, à l’intérêt de leur patient, d’autre part, à leur réputation.
Les juges du premier degré ont déclaré M. et Mme X..., ainsi que la société Y... irrecevables en leur action.
Ces derniers ont relevé appel de cette décision.
 
Il résulte de l’article 2 du Code de procédure pénale que l’action civile appartient à tous ceux qui ont personnellement souffert du dommage directement causé par l’infraction.
L’infraction prévue à l’article 226-13 du Code pénal est destinée à protéger la sécurité des confidences qu’un particulier est dans la nécessité de faire à une personne dont l’état ou la profession, dans un intérêt général et d’ordre public, fait d’elle un confident nécessaire.
En conséquence, la violation du secret professionnel ne porte directement préjudice qu’à l’intérêt général et à l’auteur de ces confidences.
Pour déclarer les époux X... et la société Y... irrecevables en leur action, l’arrêt énonce qu’il résulte de l’article R. 4217-4 du Code de la santé publique que le secret médical a été institué dans l’intérêt du patient et non pas dans celui du médecin.
Les juges en déduisent que l’employeur, victime indirecte d’une violation du secret professionnel par son salarié, n’est pas habilité à mettre en mouvement l’action publique en application de l’article 2 du Code de procédure pénale.
En statuant ainsi, la cour d’appel a justifié sa décision.
En effet, d’une part, il résulte de l’article L. 1110-4 du Code de la santé publique que toute personne prise en charge par un professionnel participant à la prévention et aux soins a droit au respect de sa vie privée et du secret des informations la concernant.
Il s’ensuit que le secret médical étant un droit propre au patient, son médecin n’est pas recevable à se constituer partie civile du chef de violation du secret professionnel, dans l’intérêt de celui-ci.
D’autre part, ne peut être qu’indirect, pour un médecin ou la société dans le cadre de laquelle il exerce ses fonctions, le préjudice résultant de l’atteinte que porterait à sa réputation la violation du secret professionnel par une salariée de cette société.
Le moyen doit en conséquence être écarté ».
Cass. crim., 13 oct. 2020, n° 19-87.341, P+B+I *
 
Téléphone – code de déverrouillage – cryptologie  
« Dans le cadre d’une enquête de flagrance pour infractions à la législation sur les stupéfiants, M. X..., au cours de sa garde à vue, s’est vu réclamer par le fonctionnaire de police qui procédait à son audition, les codes de déverrouillage des trois téléphones portables qui ont été découverts en sa possession. Il a refusé de les communiquer.
M. X... a été cité devant le tribunal correctionnel pour infractions à la législation sur les stupéfiants et refus de remettre la convention secrète de déchiffrement d’un moyen de cryptologie.
Le tribunal correctionnel a déclaré M. X... coupable des délits reprochés. Appel a été interjeté à titre principal par le prévenu et à titre incident par le ministère public.
 
Pour relaxer le prévenu, l’arrêt énonce que M. X... a refusé de communiquer le code de déverrouillage de son téléphone portable, sur la demande d’un fonctionnaire de police, faite au cours de son audition, et non en vertu d’une réquisition émanant d’une autorité judiciaire de le communiquer ou de le mettre en oeuvre.
En prononçant ainsi, la cour d’appel a justifié sa décision.
C’est à tort qu’elle a énoncé que cette réquisition ne pouvait être délivrée par un fonctionnaire de police, alors que la réquisition délivrée par un officier de police judiciaire agissant en vertu des articles 60-1, 77-1-1 et 99-3 du Code de procédure pénale, dans leur rédaction applicable au litige, sous le contrôle de l’autorité judiciaire, entre dans les prévisions de l’article 434-15-2 du Code pénal.
L’arrêt n’encourt pour autant pas la censure, dès lors qu’une simple demande formulée au cours d’une audition, sans avertissement que le refus d’y déférer est susceptible de constituer une infraction pénale, ne constitue pas une réquisition au sens du texte précité.
 
Vu les articles 434-15-2 du Code pénal, 29 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique, L.871-1 et R. 871-3 du Code de la sécurité intérieure :
Selon le premier de ces textes, toute personne ayant connaissance de la convention secrète de déchiffrement d’un moyen de cryptologie susceptible d’avoir été utilisé pour préparer, faciliter ou commettre un crime ou un délit, est tenue de remettre ladite convention aux autorités judiciaires ou de la mettre en oeuvre, sur les réquisitions de ces autorités délivrées en application des titres II et III du livre Ier du Code de procédure pénale.
Il résulte de la combinaison des autres textes que la convention secrète de déchiffrement d’un moyen de cryptologie contribue à la mise au clair des données qui ont été préalablement transformées, par tout matériel ou logiciel, dans le but de garantir la sécurité de leur stockage, et d’assurer ainsi notamment leur confidentialité. Le code de déverrouillage d’un téléphone portable peut constituer une telle convention lorsque ledit téléphone est équipé d’un moyen de cryptologie.
L’existence d’un tel moyen peut se déduire des caractéristiques de l’appareil ou des logiciels qui l’équipent ainsi que par les résultats d’exploitation des téléphones au moyen d’outils techniques, utilisés notamment par les personnes qualifiées requises ou experts désignés à cette fin, portés, le cas échéant, à la connaissance de la personne concernée.
Pour relaxer le prévenu, l’arrêt énonce qu’un code de déverrouillage d’un téléphone portable d’usage courant, qui ouvre l’accès aux données qui y sont contenues, ne constitue pas une convention secrète d’un moyen de cryptologie, en ce qu’il ne permet pas de déchiffrer des données ou messages cryptés.
En se référant ainsi à la notion inopérante de téléphone d’usage courant, la cour d’appel a méconnu les textes susvisés et les principes ci-dessus rappelés.
Par conséquent, la cassation est encourue ».
Cass. crim., 13 oct. 2020, n° 20-80.150, P+B+I *
 
Détention provisoire – indices graves ou concordants
« Le 6 novembre 2019, M. B... Y... a déposé plainte pour des faits d’extorsion, et déclaré avoir remis à M. A... X..., sous la menace, une somme de 50 000 euros en mai 2019, puis une somme identique en septembre 2019.
Parallèlement, plusieurs voisins de M. X... se sont présentés aux enquêteurs pour dénoncer des faits de violences.
Interpellé le 5 avril 2020 M. X... a nié toute extorsion de fonds ; il a reconnu s’en être pris verbalement à plusieurs de ses voisins en raison notamment du tapage nocturne qu’il subissait.
Mis en examen des chefs susvisés, M. X... a été placé en détention provisoire par le juge des libertés et de la détention le 6 avril 2020.
M. X... a relevé appel de cette décision.
 
Vu l’article 5 1. c de la Convention européenne des droits de l’homme :
Il se déduit de ce texte que la chambre de l’instruction, à chacun des stades de la procédure, doit s’assurer que les conditions légales de la détention provisoire sont réunies, et notamment de l’existence d’indices graves ou concordants rendant vraisemblable la participation de la personne mise en examen aux faits reprochés.
Pour confirmer l’ordonnance du juge des libertés et de la détention et répondre au mémoire qui faisait valoir, au soutien de ses dénégations, l’absence d’indices précis et concordants de la participation de M. X... aux faits pour lesquels il était mis en examen, l’arrêt attaqué énonce que la discussion des indices graves ou concordants, voire des charges, est étrangère à l’unique objet du contentieux dont la chambre de l’instruction est saisie, en l’espèce celui des mesures de sûreté.
En refusant d’examiner, dans le cadre de l’appel du placement en détention provisoire et de la contestation par l’appelant d’une quelconque participation aux faits, l’existence d’indices graves ou concordants de sa participation, comme auteur ou complice, à la commission des infractions qui lui sont reprochées, la chambre de l’instruction a méconnu le principe ci-dessus énoncé.
La cassation est par conséquent encourue ».
Cass. crim., 14 oct. 2020, n° 20-82.961, P+B+I *
  
Irresponsabilité pénale – discernement – délai  
«  M. X a été mis en examen le 4 mai 2018 du chef d’assassinat sur la personne de Mme Y, dont le corps a été trouvé, sur ses indications, sans vie et mutilé.
A l’issue de l’information, le juge d’instruction a mis en accusation M. X pour avoir, avec préméditation, donné la mort à Mme Y et l’a renvoyé devant la cour d’assises.
L’avocat de M. X a formé appel de cette ordonnance.
 
Vu l’article 706-128 du Code de procédure pénale :
Il résulte de ce texte que la personne mise en examen peut, à l’appui de son appel d’une ordonnance de mise en accusation, invoquer les dispositions de l’article 122-1 du Code pénal.
Cet article n’impose pas à l’appelant d’invoquer l’article 122-1 du Code précité dans son acte d’appel.
Il résulte des pièces de la procédure que l’avocat de M. X a soutenu dans son mémoire déposé devant la chambre de l’instruction, au visa de l'article 122-1 du Code pénal et des articles 706-125, 706-126 et 706-136 du Code de procédure pénale, qu’il convenait de constater que ce dernier était atteint au moment des faits d’un trouble psychique ou neuropsychique ayant aboli son discernement ou le contrôle de ses actes, de le déclarer irresponsable pénalement et d’ordonner son admission en soins psychiatriques sous hospitalisation complète.
Pour dire qu’elle n’était pas régulièrement saisie d’une demande d’irresponsabilité pénale, la chambre de l’instruction énonce que M. X n’a formulé aucune observation dans le délai de l’article 175 du Code de procédure pénale, et n’a pas invoqué l’application de l’article 122-1 du Code pénal.
Les juges ajoutent que M. X n’a pas motivé son acte d’appel par référence aux dispositions de l’article 122-1 du Code précité.
Les juges retiennent enfin que les dispositions de l’article 706-128 du Code de procédure pénale, si elles visent l'appel d'une ordonnance de renvoi pour dire que les articles 706-122 à 706-127 de ce Code sont alors applicables, ne mentionnent pas l’ordonnance de mise en accusation, et précisent que l’appel est formé par une personne qui invoque l’application du premier alinéa de l’article 122-1 du Code pénal.
En se déterminant ainsi, la chambre de l’instruction a méconnu les texte et principe susvisés. La cassation est par conséquent encourue ».
Cass. crim., 14 oct. 2020, n° 20-84.517, P+B+I *
 
 
*Le lien vers la référence documentaire sera actif à partir du 20 novembre 2020.
 
Source : Actualités du droit