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Conformité à la Constitution de l’article 16 de l’ordonnance du 7 mai 2009 relative aux procédures de recours applicables aux contrats de la commande publique

Public - Droit public des affaires
14/10/2020
Dans une décision rendue le 2 octobre 2020, le Conseil constitutionnel déclare, conforme à la Constitution, l’article 16 de l’ordonnance du 7 mai 2009 relative aux procédures de recours applicables aux contrats de la commande publique.
Par un arrêt du 8 juillet 2020 (Cass. com., 8 juill. 2020, n° 19-24.270), la Cour de cassation a saisi le Conseil constitutionnel d’une question prioritaire de constitutionnalité relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit des articles 11 à 20 de l’ordonnance n° 2009-515 du 7 mai 2009 relative aux procédures de recours applicables aux contrats de la commande publique.

Les termes des articles 11 et 16 de cette ordonnance sont respectivement les suivants :

« Les personnes qui ont un intérêt à conclure l’un des contrats de droit privé mentionnés aux articles 2 et 5 de la présente ordonnance et qui sont susceptibles d’être lésées par des manquements aux obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles ils sont soumis peuvent saisir le juge d’un recours en contestation de la validité du contrat.
La demande est portée devant la juridiction judiciaire ».

« Est nul tout contrat conclu lorsque aucune des mesures de publicité requises pour sa passation n'a été prise, ou lorsque a été omise une publication au Journal officiel de l'Union européenne dans le cas où une telle publication est prescrite.
Est également nul tout contrat conclu en méconnaissance des modalités de remise en concurrence prévues pour la passation des contrats fondés sur un accord-cadre ou un système d'acquisition dynamique.
Le juge prononce de même la nullité du contrat lorsque celui-ci a été signé avant l'expiration du délai exigé après l'envoi de la décision d'attribution aux opérateurs économiques ayant présenté une candidature ou une offre ou pendant la suspension prévue à l'article 4 ou à l'article 8 ci-dessus si, en outre, deux conditions sont réunies : la méconnaissance de ces obligations a privé le demandeur du droit d'exercer le recours prévu par les articles 2 et 5, et les obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles sa passation est soumise ont été méconnues d'une manière affectant les chances de l'auteur du recours d'obtenir le contrat ».

La question prioritaire de constitutionnalité porte plus précisément sur la conformité à la Constitution de l’article 16 de l’ordonnance n° 2009-515 du 7 mai 2009.

Absence d’atteinte disproportionnée au droit à un recours juridictionnel effectif

La société requérante reproche à ces dispositions de limiter de manière excessive les manquements pouvant être invoqués, après la signature d’un contrat de droit privé de la commande publique, par les concurrents évincés afin d’en obtenir la nullité. Elles méconnaîtraient ainsi le droit à un recours juridictionnel effectif. En outre, elle soutient qu’aucune autre voie de recours ne serait ouverte.

Conformément à l’article 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, « il ne doit pas être porté d’atteinte substantielle au droit des personnes intéressées d’exercer un recours effectif devant une juridiction ».

Le Conseil constitutionnel rappelle que « Les personnes qui ont un intérêt à conclure un contrat de droit privé de la commande publique et qui sont susceptibles d’être lésées par des manquements aux obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles est soumise la passation d’un tel contrat peuvent, après sa signature, saisir le juge judiciaire d’un référé contractuel afin d’en obtenir la nullité » (Ord. n° 2009-515, 7 mai 2009, art. 11, JO 8 mai).

Toutefois, les cas dans lesquels le juge d’un tel référé sont limitativement énumérés par les dispositions contestées :

–  « lorsque aucune des mesures de publicité requises pour la passation du contrat n’a été prise, lorsque a été omise une publication au Journal officiel de l’Union européenne dans le cas où cette publication était prescrite ;

lorsque le contrat est conclu en méconnaissance des modalités de remise en concurrence prévues pour la passation des contrats fondés sur un accord-cadre ou un système d’acquisition dynamique ;
 
lorsque le pouvoir adjudicateur ou l’entité adjudicatrice n’a pas respecté l’obligation qui peut lui être faite d’observer un délai minimal entre l’envoi de la décision d’attribution aux candidats évincés et la signature du contrat ou lorsque le contrat a été signé alors qu’un référé précontractuel était encore pendant et que les obligations de publicité et de mise en concurrence ont été méconnues d’une manière affectant les chances de l’auteur du recours d’obtenir le contrat » (Ord. n° 2009-515, 7 mai 2009, art. 16, JO 8 mai) .

Afin d’obtenir l’annulation du contrat, les requérants ne peuvent invoquer en référé contractuel les autres manquements aux obligations de publicité et de mise en concurrence susceptibles de les avoir lésés sauf si « l’autorité adjudicatrice a fait irrégulièrement obstacle à une saisine du juge du référé précontractuel ».

Néanmoins, cette limitation des cas d’annulation des contrats de droit privé de la commande publique relève d’une volonté du législateur d’assurer la sécurité juridique des relations contractuelles. L’objectif poursuivi par ce dernier est un objectif d’intérêt général. En outre, avant la signature du contrat, les personnes ayant un intérêt à conclure ce type de contrats, peuvent former un référé précontractuel conformément aux articles 3 et 6 de l’ordonnance du 7 mai 2009 en invoquant tout manquement susceptible de les avoir lésé ou risquant de les léser. Il appartiendra alors au juge saisi de demander à l’autorité responsable du manquement de se conformer à ses obligations et de suspendre l’exécution de toute décision se rapportant à la passation du contrat. Enfin, les voies de recours de droit commun ne sont pas fermées : un candidat irrégulièrement évincé peut exercer une action en responsabilité contre la personne responsable du manquement dénoncé.

Dans ces conditions, les dispositions contestées ne portent pas d’atteinte disproportionnée au droit à un recours juridictionnel effectif.

Une différence de traitement justifiée

La société requérante soutient également que les candidats évincés d’un contrat administratif de la commande publique disposent, après la signature du contrat, d’une voie de recours supplémentaire reconnue par la jurisprudence administrative. Les dispositions contestées seraient donc contraires au principe d’égalité devant la loi.

Conformément à la jurisprudence « Département de Tarn-et-Garonne » (CE, ass., 4 avr. 2014, n° 358994, Dpt de Tarn-et-Garonne) du Conseil d’État, « les candidats évincés d’un contrat administratif de la commande publique peuvent, après la signature du contrat, former en sus du référé contractuel un recours en contestation de la validité de ce contrat ouvert devant le juge administratif à tout tiers à un contrat administratif susceptible d’être lésé dans ses intérêts de façon suffisamment directe et certaine par sa passation ou ses clauses ».

Or, aucun recours identique existe devant le juge judiciaire pour les candidats évincés d’un contrat privé de la commande publique. Cependant, les contrats administratifs et les contrats de droit privé se différencient dans leur finalité et leur régime. La situation des candidats évincés d’un contrat privé de la commande publique diffère de celle des candidats évincés d’un contrat administratif de la commande publique. Dès lors, cette différence de traitement, en rapport avec l’objet de la loi, ne méconnait pas le principe d’égalité devant la loi.

Le Conseil Constitutionnel déclare, par conséquent, l’article 16 de l’ordonnance n° 2009-515 du 7 mai 2009 relative aux procédures de recours applicables aux contrats de la commande publique conforme à la Constitution.
 
Pour aller plus loin

Pour des développements détaillés sur le recours « Tarn-et-Garonne », voir Le Lamy Droit public des affaires 2020, nos 3083 et suivants.
 
 
Source : Actualités du droit