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Résiliation d’un contrat de partenariat : remboursement des frais financiers au titre des dépenses utiles

Public - Droit public des affaires
08/07/2020
Dans un arrêt rendu le 9 juin 2020, le Conseil d’État juge qu’en cas de résiliation d’un contrat de partenariat, les frais financiers découlant du remboursement anticipé de l’emprunt et les intérêts versés constituent des dépenses utiles devant être remboursées au cocontractant par l’Administration.
En l’espèce, une société a donné à bail à une commune, par contrat, la résidence pour personnes âgées qu’elle devait réaliser pour son compte. Par un deuxième contrat, la commune a consenti à la société des droits réels sur cet immeuble pour une durée de 55 ans. Par délibération, le conseil municipal a prononcé la résiliation de ces deux contrats pour motif d’intérêt général. La société a demandé au tribunal administratif la condamnation de la commune à lui verser une somme d’argent en réparation des préjudices subis en raison de ces résiliations. Le tribunal a rejeté sa demande présentée sur un fondement contractuel et quasi-délictuel et a ordonné une expertise avant de statuer sur sa demande présentée sur un fondement quasi-contractuel. Puis, par jugement, le tribunal a condamné la commune, au titre de l’enrichissement sans cause, à verser à la société une somme d’argent assortie des intérêts au taux légal. Enfin, la cour administrative d’appel a réduit le montant de la réparation accordée par le tribunal.

Le remboursement des dépenses utiles

Le Conseil d’État rappelle qu’en cas de contrat entaché de nullité ou annulé, le cocontractant de l’Administration peut prétendre, sur un terrain quasi-contractuel, au remboursement des dépenses utiles à la collectivité envers laquelle il s’était engagé. Il ajoute qu’en présence d’un contrat de partenariat où la personne publique confie au cocontractant la construction d’un ouvrage et le financement de cette opération, en échange de droits réels sur cet ouvrage pendant une période au terme de laquelle la personne publique en devient propriétaire, les dépenses utiles « incluent, dès lors que la personne publique a fait le choix de faire financer par le cocontractant l’investissement requis, et dans la limite du coût normal d’une telle opération, les frais financiers découlant, en cas de résiliation du contrat, du remboursement anticipé de cet emprunt et des intérêts versés au titre de cet emprunt entre la date de la résiliation et la date à laquelle la personne publique a remboursé au cocontractant la valeur utile de l’ouvrage concerné ».

La Haute juridiction pose ainsi deux conditions au remboursement de ces frais financiers au titre des dépenses utiles :
 le choix de la personne publique de faire financer par le cocontractant l’investissement requis ;
 un remboursement limité au coût normal d’une telle opération.

Or, la commune a confié la construction et le financement de la résidence pour personnes âgées par un contrat de partenariat. Dans ces conditions, en jugeant que les frais financiers ne constituaient pas, en principe, des dépenses utiles à la commune, la cour administrative d’appel a entaché son arrêt d’erreur de droit. L’arrêt est annulé sur ce point.

Un risque de dépenses non réalisé

Durant l’exécution du contrat de partenariat, la commune avait versé à la société requérante une somme d’argent pour lui permettre d’effectuer les grosses réparations définies par l’article 606 du code civil sur la résidence pour personnes âgées. Cette somme était intégrée à la redevance contractuelle versée annuellement par la commune et avait vocation à couvrir un risque de dépenses.

Toutefois, ce risque de dépenses ne s’est pas réalisé. En effet, la société n’a réalisé aucun des travaux prévus par cet article. Par conséquent, la cour n’a pas commis d’erreur de droit en jugeant cette dépense inutile à la commune et en prononçant son remboursement par la société.

L’arrêt de la cour administrative d’appel est, dans ces conditions, annulé en tant qu’il statue, sur le terrain quasi-contractuel et quasi-délictuel, sur l’indemnité due par la commune à raison du coût financier consécutif à la résiliation du contrat conclu pour la construction et l’aménagement de la résidence pour personnes âgées.
 
Pour aller plus loin
Sur le contenu et l’exécution des marchés de partenariat, v. Le Lamy Droit public des affaires 2019, nos 1893 et s.,
Sur le droit à indemnisation en cas de résiliation pour motif d’intérêt général des marchés publics, v. Le Lamy Droit public des affaires 2019, nos 2484 et s.
 
 
À noter
Le Conseil d’État s’était déjà prononcé sur les frais financiers engagés pour l’exécution du contrat dans le cas d’un marché public dans un arrêt du 10 avril 2008 (CE, sect., 10 avr. 2008, n° 244950).
Source : Actualités du droit