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Quand un avocat « Twittos » est reconnu « débatteur public » par la Cour de cassation...

Pénal - Droit pénal spécial
10/01/2019
Le 8 janvier 2018, la Cour de cassation s'est prononcée sur le cas d'un avocat accusé de diffamation et injure publiques après avoir posté sur Twitter plusieurs messages mettant en cause le « Pacte 2012 pour la justice » établi par l’Institut pour la Justice.

Les propos tenus par un avocat sur un réseau social imposant des réponses lapidaires, s’inscrivant dans une controverse sur l’action de la justice pénale, à l’occasion de la préparation de la campagne présidentielle de 2012, constitutive en soi d’un débat public d’intérêt général, et qui comportent une invective répondant de façon spontanée à l’interpellation d’un internaute sur les thèses défendues par la partie civile, quelles que fussent la grossièreté et la virulence des termes employés, n’excèdent pas les limites admissibles de la liberté d’expression.

La cour relève en effet que les propos ne tendaient pas à atteindre les personnes dans leur dignité ou leur réputation, mais exprimaient l’opinion de leur auteur, sur un mode satirique et potache, dans le cadre d’une polémique ouverte sur les idées prônées par une association défendant une conception de la justice opposée à celle que le prévenu, en tant que praticien et débatteur public, entendait lui-même promouvoir ainsi.

Ainsi statue la chambre criminelle de la Cour de cassation dans un arrêt rendu le 8 janvier 2019.

Critiques virulentes

Au cas de l’espèce, l’Institut pour la Justice, une association ayant notamment pour objet la promotion « d’une meilleure organisation du système judiciaire en France, et de meilleures politiques de protection de la personne et du maintien de l’ordre public », a porté plainte et s'est constituée partie civile des chefs de diffamation et injure publiques envers un particulier, après qu’un avocat qui anime un blog consacré à la justice, ainsi qu’un compte Twitter sous pseudonymat, eut publié plusieurs messages mettant en cause le « Pacte 2012 pour la justice », que cette association avait établi à l'intention des candidats à la prochaine élection présidentielle et qui faisait l'objet d'une pétition sur internet.

L’avocat blogueur critiquait tant les thèses et objectifs du texte que la fiabilité du décompte des signataires de la pétition. Il avait ainsi publié sur son compte Twitter, les 8 et 9 novembre 2011, des messages comportant les propos « L'Institut pour la justice en est donc réduit à utiliser des bots pour spamer sur Twitter pour promouvoir son dernier étron ? » et « Que je me torcherais bien avec l'Institut pour la Justice si je n'avais pas peur de salir mon caca ». Il a alors été renvoyé devant le tribunal correctionnel sous la prévention d’injure publique.

Condamnation de l'avocat

En première instance, les juges l’ont retenu dans les liens de la prévention. L’intéressé, à titre principal, et le ministère public, à titre incident, ont relevé appel de la décision. La condamnation a été confirmée en cause d’appel pour les propos « Que je me torcherais bien avec l'Institut pour la Justice si je n'avais pas peur de salir mon caca ». La décision a toutefois été infirmée pour les autres propos. Des pourvois ont été formés par les parties.

Reprenant la solution précitée, la Haute juridiction procède à une cassation sans renvoi de l’affaire. À noter, par ailleurs, que, s’agissant du pourvoi formé par l’Institut pour la Justice, celui-ci est déclaré irrecevable comme ne respectant pas les prescriptions de l’article 576, alinéa 2, du Code de procédure pénale.

Par June Perot

Source : Actualités du droit