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CEDH : condamnation de la Grèce pour soumission de migrants à du travail forcé

Pénal - Droit pénal spécial
24/04/2017
Le fait d'employer des ouvriers saisonniers dépourvus de permis de travail en vue d'une cueillette de fruits, pour un salaire de 22 euros pour sept heures de travail et trois euros par heure supplémentaire, sous le contrôle de gardes armés, en les logeant dans des huttes de fortune dépourvues de toilettes et d'eau courante, est constitutif de la traite des être humains et du travail forcé au sens de la définition prévue à l'article 3 a) du Protocole de Palerme et à l'article 4 de la Convention anti-traite du Conseil de l'Europe. 
Tel est l'enseignement d'un arrêt de chambre de la Cour européenne des droits de l'Homme (CEDH) rendu le 30 mars 2017. Les faits de l'espèce concernaient 42 ressortissants bangladais résidant en Grèce qui, alors qu'ils ne disposaient pas d'un permis de travail, ont été recrutés pour cueillir des frais dans une exploitation. Ils s'étaient vu promettre un salaire de 22 euros pour sept heures de travail et trois euros par heure supplémentaire. Ils travaillaient tous les jours, de 7 heures à 19 heures, sous le contrôle de gardes armés. Leurs employeurs les avaient avertis qu'ils ne percevraient leurs salaires que s'ils continuaient à travailler. Les requérants habitaient dans des huttes de fortune dépourvues de toilettes et d'eau courante. Les ouvriers s'étaient mis en grève afin de revendiquer leurs salaires impayés, mais en vain. Les employeurs avaient alors engagé d'autres migrants bangladais.

Craignant alors de ne pas être payés, 100 à 150 ouvriers de la saison 2012-2013 s'étaient dirigés vers les deux employeurs en vue de réclamer leurs salaires. Un des gardes armés avait alors ouvert le feu, blessant grièvement 30 ouvriers. Ces derniers avaient été transportés à l'hôpital et entendus par la police. Les deux employeurs, ainsi que le garde à l'origine des tirs et un contremaître armé ont été arrêtés et poursuivis pour tentative d'homicide et également pour traite des êtres humains. La cour d'assises les avait acquittés du chef de traite des êtres humains.

Les deux condamnés avaient interjeté appel de cette décision. Alléguant que l'accusation de traite des êtres humains n'avait pas été examinée de manière adéquate, les ouvriers ont demandé au procureur près la Cour de cassation de se pourvoir contre l'arrêt de la cour d'assises. Cette demande a été rejetée. Les ouvriers ont introduit une requête devant la CEDH. Énonçant la solution précitée, la Cour conclut à la violation de l'article 4 § 2 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme (CESDH).

Par June Perot
Source : Actualités du droit