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CEDH : une enquête lacunaire sur le meurtre d'un journaliste renommé constitue une violation du droit à la vie

Pénal - Procédure pénale
14/04/2017
L'enquête portant sur le meurtre d'un journaliste renommé qui dure plus de douze ans et qui comporte des lacunes, notamment en ce que les autorités n'ont pas pris toutes les mesures à leur disposition pour garantir que les suspects identifiés soient poursuivis, et en ce que l'épouse de la victime s'est constamment vu refuser l'accès au dossier, emporte violation de l'article 2 de la Convention européenne des droits de l'homme dans son volet procédural.
 
La Cour européenne estime toutefois que dans la mesure où rien ne prouve l'allégation selon laquelle l'Etat a été de quelques manière que ce soit impliqué dans le meurtre du journaliste, ou que les autorités avaient connaissance ou auraient dû avoir connaissance d'un risque réel pour sa vie, il ne peut y avoir de violation du droit à la vie.
 
Les faits de l'espèce concernaient un journaliste indépendant renommé qui critiquait fortement dans ses articles tant le gouvernement que l'opposition. De nombreuses procédures civiles et pénales avaient été dirigées contre lui par divers agents de l'Etat en raison de ses articles. En 2005, alors qu'il revenait du travail, celui-ci avait été tué par balles. Une enquête pénale sur le meurtre avait été ouverte et de nombreuses mesures d'investigations furent prises. Notamment, la scène du crime avait été inspectée, un examen post-mortem mené, des examens médico-légaux ordonnés et son épouse avait été interrogée en tant que témoin. Deux ressortissants géorgiens avaient été identifiés comme suspects et des mandats internationaux avaient été émis en vue de leur arrestation. Leur extradition avait été demandée aux autorités géorgiennes, lesquelles avaient refusé au motif que les intéressés étaient des ressortissants géorgiens et ne pouvaient pas être extradés vers un pays étranger ; cependant, elles s'engagèrent à poursuivre les suspects à la demande des autorités azerbaïdjanaises si l'affaire pénale leur était transférée. Divers actes d'investigation avaient alors été entrepris mais l'enquête est demeurée en cours sans qu'aucun des auteurs n'aient fait l'objet de poursuites.
 
Invoquant la violation de l'article 2 protégeant le droit à la vie et l'article 10, l'épouse du journaliste a saisi la CEDH, accusant l'Etat d'avoir failli à mener une enquête effective. Elle soutenait en particulier que l'Etat savait ou aurait dû savoir qu'il existait un risque pour la vie de son mari, celui-ci ayant été régulièrement menacé et ciblé par de nombreuses procédures judiciaires.

Énonçant la solution précitée, la Cour conclut à la non-violation du droit à la vie concernant le meurtre en lui-même mais également à la violation du droit à la vie dans son volet procédural concernant l'enquête menée par les autorités.
 
Par June Perot
 
Source : Actualités du droit