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Cession de biens à bas prix : importance de l’information des membres du conseil municipal

Public - Droit public des affaires
15/09/2021
Dans un arrêt du 13 septembre 2021, le Conseil d’État rappelle qu’une cession de biens d’une personne publique à un prix inférieur à leur valeur doit être justifiée par des motifs d’intérêt général. Si une commune envisage une telle cession, la note explicative adressée aux membres du conseil municipal en amont de la délibération doit être suffisamment détaillée pour qu’ils soient à même d’apprécier la différence entre le prix de vente et la valeur estimée.
Une commune avait donné un terrain à bail emphytéotique pour une période de soixante ans en vue de la construction et de l’exploitation d’un village de vacances. Le bail prévoyait qu’à terme, les constructions deviendraient la propriété de la commune, sans versement d’une indemnité. La commune décide de vendre le terrain à l’emphytéote, via une délibération du conseil municipal.
 
La délibération est attaquée et annulée par la cour administrative d’appel, à la suite d’un renvoi de l’affaire par le Conseil d’État. La commune demande au conseil d’État l’annulation de l’arrêt.
 
Cession à bas prix
 
La Haute cour, dans son arrêt (CE, 13 sept. 2021, nos 439653, 439675) rappelle le considérant de principe de sa décision Commune de Fougerolles (CE, sect., 3 nov. 1997, n° 169473, Cne de Fougerolles, Lebon), à savoir que « la cession par une commune d’un bien immobilier à des personnes privées pour un prix inférieur à sa valeur ne saurait être regardée comme méconnaissant le principe selon lequel une collectivité publique ne peut pas céder un élément de son patrimoine à un prix inférieur à sa valeur à une personne poursuivant des fins d'intérêt privé lorsque la cession est justifiée par des motifs d'intérêt général, et comporte des contreparties suffisantes ».
 
En l’espèce, la cour avait relevé que le prix de cession était sensiblement le même que celui auquel le terrain a été estimé par le service des domaines (une différence de 6 000 euros sur une somme totale d’un million d’euros), et en avait déduit que le prix ne prenait pas en compte la valeur des constructions, qui devaient devenir la propriété de la commune. Ainsi, la commune prévoyait bien la cession des constructions à un prix inférieur à leur valeur sans justification par un motif d’intérêt général. Pour le Conseil, en décidant d’annuler la délibération sans avoir recherché si l’écart de prix de 6 000 euros correspondait à la valeur de la renonciation de la commune à la propriété des constructions, la cour a entaché son arrêt d’une erreur de droit.
 
Note explicative de synthèse adressée aux membres du conseil municipal
 
Le Conseil règle l’affaire au fond en application de l’article L. 821-2 du code de justice administrative, et se penche sur l’information des membres du conseil municipal. En effet, l’article L. 2121-12 du code général des collectivités territoriales prévoit pour les communes de plus de 3 500 habitants l’envoi aux membres du conseil municipal d’une note explicative de synthèse sur les affaires soumises à délibération. Il avait jugé dans un arrêt de 2012 (CE, 14 nov. 2012, n° 342327, Cne de Mandelieu-la-Napoule, Lebon, t.) que l’information apportée dans la note de synthèse devait être adaptée à la nature et à l’importance des affaires inscrites à l’ordre du jour de la séance. À défaut de note de synthèse, la délibération doit être annulée.
 
Ainsi, le Conseil rappelle que « le défaut d'envoi de cette note ou son insuffisance entache d'irrégularité les délibérations prises, à moins que le maire n'ait fait parvenir aux membres du conseil municipal, en même temps que la convocation, les documents leur permettant de disposer d'une information adéquate pour exercer utilement leur mandat ».
Cette information « doit permettre aux intéressés d'appréhender le contexte ainsi que de comprendre les motifs de fait et de droit des mesures envisagées et de mesurer les implications de leurs décisions ». Le Conseil précise qu’il n’est pas obligatoire de joindre une justification du bien-fondé de la proposition.
 
En l’espèce, la note explicative indiquait que le bail emphytéotique était d’une durée de soixante ans et précisait qu’à l’expiration, « le bâti devait revenir en pleine propriété à la commune, mais ne comportait aucun élément permettant d'apprécier la valeur de la renonciation à ce droit ». Or, estime le Conseil d’État, en vertu du principe de l’interdiction d’une cession à bas prix, le conseil municipal « ne pouvait délibérer sans prendre en compte la valeur d'une telle renonciation ».

Dans ces conditions, la Haute cour déclare que « les membres du conseil municipal n'ont pas été mis à même d'apprécier si la différence entre le prix envisagé et l'évaluation fournie par le service des domaines pouvait être regardée comme représentative de l'indemnité due à la commune pour sa renonciation au droit d'accession et, par suite, si la commune pouvait être regardée comme n'ayant pas cédé un élément de son patrimoine à un prix inférieur à sa valeur ».
 
Le Conseil d’État annule donc la délibération.
 
Sur le principe d’incessibilité à bas prix, voir Le Lamy droit public des affaires, nos 3147 et s.
Source : Actualités du droit