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Expérimentation des cours criminelles : le débat continue

Pénal - Procédure pénale, Vie judiciaire
09/07/2020
Mesure critiquée depuis son adoption, l’expérimentation des cours criminelles a encore fait l’objet de polémique à la sortie du confinement. Elle a, en effet, été étendue à 18 départements pour faciliter le jugement des crimes dans les délais exigés. Un député demande de revenir sur cette expérimentation. Et le nouveau garde des Sceaux devrait donner son éclairage prochainement.
Pour le député Jean-François Parigi, il est plus qu’opportun de revenir sur une expérimentation « dont l'issue ne peut qu'être funeste pour la justice dans la mesure où elle éloigne celle-ci de celui au nom duquel elle est rendue, à savoir le peuple français ». Le jury populaire étant une garantie démocratique permettant « d'éviter l'écueil d'une justice trop technique et donc inhumaine ».
 
Dans sa réponse, le Gouvernement rappelle qu’il est « très attaché aux cours d'assises, raison pour laquelle les crimes les plus graves dont la peine est supérieure à 20 ans, ou reprochés à des mineurs ou encore à des majeurs en état de récidive légale, sont restés de sa compétence ». Elles sont aussi seules compétentes pour juger en appel des décisions des cours criminelles.
 
S’agissant de l’expérimentation, le Gouvernement assure qu’une évaluation dressant un bilan précis sera établie, afin que le Parlement puisse « décider, ou non, de la généralisation, la modification ou la suppression de la cour criminelle départementale ». Et souligne que l’extension de l’expérimentation à 18 départements ne concerne que 18 % des juridictions criminelles. L’élargissement permettra simplement « de mieux appréhender le fonctionnement de la cour criminelle départementale et nourrira le bilan qui pourra être en être présenté ».
 
Le ministre de la Justice souligne enfin que « le Gouvernement entend mener à bien cette expérimentation dans le respect des principes et des limites posées par la loi avant de rendre compte de celle-ci devant le Parlement qui décidera donc de l'issue de celle-ci ».
 
 
Une expérimentation contestée
Rappelons tout de même que l’élargissement de l’expérimentation de la cour criminelle à 18 départements était l’une des mesures très contestées de sortie de la crise sanitaire (v. Un élargissement contesté de l’expérimentation de la Cour criminelle, Actualités du droit, 4 juin 2020 et v. Loi fourre-tout : quelles dispositions en droit pénal ?, Actualités du droit, 18 juin 2020).
 
Pour mémoire, l’article 63 de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 prévoyait initialement une expérimentation pour une durée de trois ans, dans uniquement 10 départements. Le Gouvernement a déposé un amendement pour élargir cette expérimentation à 30 départements, lors de la discussion sur le projet de loi relatif à diverses dispositions liées à la crise sanitaire, à d’autres mesures urgentes ainsi qu’au retrait du Royaume-Uni de l’Union européenne.
 
Dans le prétoire, le député Antoine Savignat dénonçait cette extension : « faire d’une expérience une solution pour régler une crise n’est pas normal ». Même son de cloche pour Ugo Bernalicis, qui a rappelé que même si « le Conseil constitutionnel a validé l’expérimentation (c’est) parce qu’elle était circonscrite à quelques départements et limitée dans le temps ». En vain, l’amendement est adopté à l’Assemblée nationale. Finalement, le Sénat décide de retirer la disposition du projet puis un accord a été trouvé en CMP : ce sera 18 départements. 
 
 
Quel projet pour le garde des Sceaux ?
À noter, tout de même, que le nouveau garde des Sceaux, Éric Dupond-Moretti (v. Esquisse du programme d’Eric Dupond-Moretti, nouveau garde des Sceaux, Actualités du droit, 7 juill. 2020) s’était opposé à l’élargissement de l’expérimentation des cours criminelles. Il l’avait ainsi dénoncé, regrettant, en tant que grand défenseur du jury populaire, que l’on ait «utilisé le Covid-19 pour supprimer la cour d'assises » (France Info, 15 mai 2020).
 
Une audition du nouveau ministre de la Justice doit être organisée par le Sénat, comme l’a déclaré Philippe Bas lors de la séance de questions d’actualité du 8 juillet, « nous allons vous auditionner… Nous sommes pressés de vous voir ! » (Sénat, 8 juill. 2020). L’objectif de cette audition : clarifier certains points. Et parmi eux, la question de l’expérimentation des cours criminelles. Le nouveau ministre de la Justice va-t-il décider de la supprimer, la réduire ou l’élargir ? Éléments de réponse dans les prochains jours…
 
Source : Actualités du droit