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Livre I – Des mesures éducatives et des peines

Pénal - Procédure pénale, Informations professionnelles, Droit pénal général
04/11/2019
Dans son premier livre, le projet de Code de justice pénale des mineurs prévoit la mise en place de nouvelles mesures pouvant être prononcées à l’encontre du mineur, les mesures éducatives, et traite des peines.
Le ton est donné dès le premier paragraphe du Rapport d’information, « Le mineur coupable n’est pas un délinquant comme les autres et son jeune âge est considéré comme un atout en vue d’atteindre son redressement moral et éducatif ». Priorité à la réponse éducative.
 
Ce choix-là permet notamment de rendre le texte conforme aux exigences constitutionnelles ayant reconnu la priorité de l’éducatif sur le répressif comme principe fondamental reconnu par les lois de la République (Conseil constit., 29 août 2002, n° 2002-461), précisant que « l'atténuation de la responsabilité pénale des mineurs en fonction de l'âge, comme la nécessité de rechercher le relèvement éducatif et moral des enfants délinquants par des mesures adaptées à leur âge et à leur personnalité, prononcées par une juridiction spécialisée ou selon des procédures appropriées, ont été constamment reconnues par les lois de la République depuis le début du vingtième siècle ».
 
Titre I – Des mesures éducatives
Chapitre I – Dispositions communes
Le chapitre du Code de justice pénale des mineurs prévoit deux types de mesures éducatives (L. 111-1) : 
- « l’avertissement judiciaire » ;
- « la mesure éducative judiciaire ».
 
Ces mesures, exécutoires par provision (L. 111-4), peuvent « être prononcée cumulativement avec une peine » sous certaines conditions prévues à l’article L. 111-3.
 
Il est indiqué que le juge des enfants, le tribunal des enfants et la cour d’assises des mineurs peuvent prononcer ces deux mesures. Le tribunal de police peut lui prononcer un avertissement judiciaire. Et que dans tous les cas, « les mesures éducatives prononcées à l’égard d’un mineur ne peuvent constituer le premier terme de récidive ».
 
Chapitre II – De la mesure éducative judiciaire
Le Code de justice pénale des mineurs définit la mesure éducative judiciaire comme « un accompagnement individualisé construit à partir d'une évaluation de la situation personnelle, familiale, sanitaire et sociale du mineur » (L. 112-2). Cette mesure a pour objectif « la protection du mineur, son assistance, son éducation, son insertion et son accès aux soins » (L. 112-1).
 
Concernant la durée de cette mesure, l’article L. 112-4 dispose que « la mesure éducative judiciaire est prononcée pour une durée n’excédant pas cinq années ». Et, « elle peut être prononcée même si l’intéressé est devenu majeur au jour de la décision mais prend fin au plus tard lorsqu'il atteint vingt et un ans ». Sachant que dans la première version du projet de Code, la durée était limitée à trois ans.
 
Le juge pourra décider, dans ce nouveau cadre, d’une confiscation d’objet, de l’obligation d’effectuer un stage civique, des interdictions de paraître dans certains lieux, d’aller et venir sur la voie publique (à partir d’une certaine heure), d’entrer en contact avec des personnes concernées mais aussi pourra prononcer la mise en place de quatre modules : 
  • un module insertion (L. 112-5 à L. 112-7) qui consiste en une « orientation du mineur vers une prise en charge scolaire ou visant à son insertion sociale, scolaire ou professionnelle, adaptée à ses besoins » ; pourront être prévus un accueil de jour, un placement dans un internat scolaire, dans une institution, un établissement public ou privé d’enseignement ou de formation ; la durée ne pouvant excéder un an, renouvelable une fois mais « cette mesure ne peut être prononcée, poursuivie ou renouvelée après la majorité de l'intéressé qu'avec son accord » ; 
  • un module de réparation (L. 112-8 à L. 112-10) qui consiste en « une activité d’aide ou de réparation à l’égard de la victime ou dans l’intérêt de la collectivité » qui nécessite l’accord de la victime, ou « une médiation entre le mineur et la victime » mise en œuvre à la demande de cette dernière ou avec son accord, la durée de ce module ne peut excéder un an ;
  • un module de santé (L. 112-11 à L. 112-13) qui nécessite l’avis médical circonstancié d’un médecin ; il prévoit une « prise en charge sanitaire adaptée à ses besoins », « un placement en établissement de santé » ou « dans un établissement médico-social » ; le placement suppose l’audition du mineur et de ses représentants légaux ;
  • un module de placement (L. 112-14 à L. 112-15) qui prévoit que le mineur peut être confié « à un membre de sa famille ou une personne digne de confiance ainsi qu’au service de l’aide sociale à l’enfance », « à un établissement du secteur public de la protection judiciaire de la jeunesse » ou « à une institution ou un établissement éducatif privé habilité » ; dans ce cadre, le juge des enfants ou le tribunal pourra décider du placement après avoir auditionné le mineur et ses représentants légaux ; Sonia Ollivier, du Syndicat national des personnels de l’éducation et du social (SNPES), dénonçait le fait que le placement soit devenu une sanction et non plus une protection lors de la réunion intersyndicale.
Ces différents modules pourront être prononcés, sous certaines réserves, alternativement ou cumulativement, selon l’article L. 112-3.
 
« Dans le cadre des mesures éducatives, il n’y a plus la remise à parents » s’est insurgée Laurence Roques lors de la conférence de presse organisée par les professionnels de la justice et « cela sous-entend que le projet n’associe pas les acteurs fondamentaux de la justice des mineursSous l’ordonnance de 1945, les parents étaient intégrés dans le processus de sanction mais aujourd’hui les mesures éducatives ne font pas sens avec ces acteurs principaux ». La remise à parents, à tuteurs, à personne qui avait la garde ou à une personne digne de confiance était prévue à l’article 15 de l’ordonnance de 1945. Néanmoins, Nicole Belloubet, dans son interview donnée à la Gazette du Palais, a précisé que « l’admonestation ou la remise à parents – termes d’un autre temps – deviennent l’avertissement judiciaire ».
 
La mesure éducative judiciaire peut être prononcée à titre provisoire à tous les stades de la procédure (v. Livre III, Titre II – Des investigations et de la mesure éducative judiciaire provisoire).
 
Chapitre III – Du régime de placement
Ce chapitre organise la procédure de placement pouvant être prononcée à l’encontre du mineur. Notamment, l’article L. 113-1 précise que les « père et mère du mineur bénéficiant d’une mesure de placement au titre du présent code continuent à exercer tous les attributs de l’autorité parentale qui ne sont pas inconciliables avec cette mesure ». Et ajoute que « Toutefois, la personne, le service ou l’établissement auquel l’enfant est confié accomplit tous les actes usuels relatifs à sa surveillance et à son éducation ».

Le dernier article du chapitre (L. 113-7) organise le placement dans les centres fermés. Il définit ces lieux comme « des établissements publics ou des établissements privés habilités dans des conditions prévues par décret en Conseil d'Etat, dans lesquels les mineurs sont placés en application d'un contrôle judiciaire, d'un sursis probatoire, d'un placement à l'extérieur ou à la suite d'une libération conditionnelle ». La ministre de la Justice a d’ailleurs annoncé la création de 20 centres éducatifs fermés (v. Budget de la justice : l’effort d’investissement concentré sur le pénal, Actualités du droit, 30 septembre 2019).
 
Précision. Un article a été supprimé par rapport au premier projet de Code dévoilé. Il disposait qu’« à chaque entrée d’un mineur dans un établissement relevant du secteur public ou habilité de la protection judiciaire de la jeunesse, le directeur de l’établissement ou les membres du personnel de l’établissement spécialement désignés par lui, peuvent procéder au contrôle visuel de ses effets personnels, aux fins de prévenir l'introduction au sein de l'établissement d'objets ou de substances interdits ou constituant une menace pour la sécurité des personnes ou des biens. Au sein de ces établissements, ces mêmes personnels peuvent, aux mêmes fins, procéder à l’inspection des chambres où séjournent ces mineurs. Cette inspection se fait en présence du mineur sauf impossibilité pour le mineur de se trouver dans l’établissement. Le déroulé de cette inspection doit être consigné dans un registre tenu par l’établissement à cet effet. Ces mesures s’effectuent dans le respect de la dignité des personnes et selon les principes de nécessité, de proportionnalité, de gradation et d’individualisation ».
 
Mesure critiquée par les professionnels, elle était aussi contestée par le Conseil d’État. L’avis de ce dernier n’a pas été publié à ce jour, mais une source officielle nous a indiqué que même si « le corps de la réforme n’a pas été remis en cause », l’autorisation des fouilles devait faire l’objet d’une exclusion, mesure dépassant leur habilitation. L’avis a donc été suivi.
 
Titre II – Des peines
Ce titre se veut conforme au principe selon lequel la responsabilité des mineurs doit être atténuée par rapport à celle des majeurs. Cette idée est reprise dans l’article préliminaire du Code : « Le présent code régit les conditions dans lesquelles la responsabilité pénale des mineurs est mise en œuvre, en prenant en compte l'atténuation de cette responsabilité en fonction de leur âge ».
 
L’ordonnance de 1945 prévoyait déjà dans son article 20-2, le fait que « la peine privative de liberté (ne peut être) supérieure à la moitié de la peine encourue » notamment. Néanmoins, le collectif intersyndical conteste pour autant cette atténuation, dénonçant « un copier-coller de la justice des majeurs, avec notamment les procédures rapides ».
 
Chapitre I – Des peines encourues
Ce chapitre prévoit l’interdiction de prononcer certaines peines à l’encontre des mineurs comme la peine de jour-amende, la peine d’interdiction du territoire français, celle d’affichage ou de diffusion de la condamnation mais aussi la peine d’interdiction des droit civiques, civils et de famille (L. 121-1).
 
Le tribunal de police peut prononcer à l’encontre d’un mineur de plus de 13 ans, une dispense de peine ou une peine d’amende. Néanmoins, initialement, la garde des Sceaux avait envisagé dans la première version du Code que le tribunal de police puisse prononcer une des peines complémentaires de l’article 131-16 du Code pénal (confiscation de la chose objet de l’infraction, interdiction de détenir un animal, etc.). Dans l’ordonnance publiée, il est, à l’inverse, précisé que « les dispositions de l’article 131-16 du Code pénal ne sont pas applicables ». 
 
Le juge des enfants, pourra « si les circonstances et la personnalité du mineur le justifient, condamner un mineur âgé d’au moins treize ans aux peines : de confiscation de l’objet ayant servi à commettre l’infraction, de stage, de travail d’intérêt général, si le mineur est âgé d’au moins seize ans au moment du prononcé de la peine ». 
 
Par principe, les peines privatives de liberté prononcées par le tribunal pour enfants et la cour d’assises des mineurs, ne peuvent être supérieures à la moitié de la peine encourue (L. 121-5). Précisant que « si la peine encourue est la réclusion criminelle ou la détention criminelle à perpétuité, elle ne peut être supérieure à vingt ans de réclusion criminelle ou de détention criminelle ».
 
Pour les amendes, aucune peine supérieure à la moitié de la peine encourue ne peut être prononcée à l’encontre d’un mineur, ni une peine excédant 7 500 euros (L. 121-6).
 
L’article L. 121-7 précise lui, que par exception, pour les mineurs de plus de seize ans, selon les circonstances de l’espèce, en fonction de la personnalité et la situation du mineur, le tribunal de police, le tribunal pour enfants et la cour d'assises des mineurs peuvent décider que les règles d’atténuation n’ont pas à s’appliquer. Il n’empêche que lorsqu’il s’agit d’une peine de réclusion ou de détention criminelle à perpétuité, la peine maximale pouvant être prononcée est de trente ans.
 
Chapitre II – Du contenu et des modalités d’application de certaines peines
Ce chapitre prévoit notamment :
  • le travail d’intérêt général (TIG) : « applicables aux mineurs âgés de seize à dix-huit ans au moment de la décision, lorsqu’ils étaient âgés d’au moins treize ans à la date de commission de l’infraction » (L. 122-1) ; le TIG doit être « adapté aux mineurs et présenter un caractère formateur ou être de nature à favoriser l’insertion sociale des jeunes condamnés », pour Sophie Legrand du Syndicat de la magistrature dénonce cette mesure qui risque de « créer des inégalités par rapport aux délais de jugement qui varient » ;
  • une peine d’emprisonnement assortie d’un sursis probatoire : la juridiction de jugement peut décider d’obligations spécifiques à l’encontre du mineur, à l’instar des mesures de protection confiées à un service de la protection judiciaire de la jeunesse ou le suivi d’une scolarité ou formation professionnelle jusqu’à sa majorité (L. 122-2) ;
  • l’interdiction de placer un mineur sous surveillance électronique mobile (L. 122-3) ;
  • l'application d’une peine de stage dont le contenu doit être adapté à l’âge du mineur lorsqu’il est fait (L. 122-4) ;
  • une peine de détention à domicile sous surveillance électronique, qui ne peut être supérieure à la moitié de la peine d’emprisonnement encourue (L. 122-5) ; Sonia Ollivier du SNPES, s’en méfie, estimant que cette mesure peut être « très mauvaise » pour le mineur.
Chapitre III – Du prononcé des peines
« Une peine d'emprisonnement avec ou sans sursis ne peut être prononcée par le tribunal pour enfants et la cour d'assises des mineurs qu'à la condition que cette peine soit spécialement motivée » prévoit l’article L. 123-1 du Code de justice pénale des mineurs. 

 Chapitre IV – Du régime d’incarcération
Le régime d’incarcération des mineurs est bien spécifique, déjà prévu par l’ordonnance de 1945 dont l’article 20-2 précisait que « l'emprisonnement est subi par les mineurs soit dans un quartier spécial d'un établissement pénitentiaire, soit dans un établissement pénitentiaire spécialisé pour mineurs ».
 
Ces dispositions sont reprises dans le Code, les mineurs devant être détenus au sein :
  • du quartier pour mineurs d’un établissement pénitentiaire ;
  • d’une unité spéciale pour mineurs au sein d'une maison d'arrêt ;
  • dans un établissement pénitentiaire spécialisé pour mineurs.
Le principe étant que les détenus mineurs doivent rester strictement séparés des majeurs. Une exception existe pour un mineur détenu qui atteint la majorité en détention. Dans cette hypothèse, il peut rester dans ces établissements pendant six mois. L’important étant qu’il n’ait pas de contact avec les détenus âgés de moins de seize ans.
 
Source : Actualités du droit