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Extradition : précisions sur le contrôle des autorités françaises quant à la double incrimination

Pénal - International, Droit pénal général
02/07/2018
Dans un arrêt rendu le 18 juin 2018, le Conseil d’État précise le contrôle devant être effectué par les autorités françaises quant à la double incrimination dans le cas d'une demande d'extradition.
Il résulte des principes généraux du droit de l'extradition qu'il n'appartient pas aux autorités françaises, lorsqu'elles se prononcent sur une demande d'extradition, de vérifier si les faits pour lesquels l'extradition est demandée ont reçu, de la part des autorités de l'État requérant, une exacte qualification juridique au regard de la loi pénale de cet État.

Il leur appartient, en revanche, de vérifier qu'est respecté le principe, énoncé au paragraphe 1 de l'article 2 de la Convention européenne d'extradition du 13 décembre 1957, de la double incrimination par la législation de l'État requérant et par celle de l'État requis. Si ce principe n'implique pas que la qualification pénale des faits soit identique dans ces deux législations, il requiert que les faits soient incriminés par l'une et l'autre et satisfassent à la condition relative aux peines encourues, dans le respect des principes de non-rétroactivité de la loi pénale et d'application immédiate de la loi pénale moins sévère, tels qu'ils sont imposés par l'ordre public français. Telle est la solution d’un arrêt du Conseil d’État rendu le 18 juin 2018 (v. déjà : CE, 24 mai 1985, n° 65207).

Respect du principe de non-rétroactivité

L’extradition d’un binational serbe et bosnien avait été demandée par les autorités bosniennes pour des faits qualifiés de crimes contre l’humanité commis en juin 1992. L’intéressé demandait au Conseil d’État l’annulation pour excès de pouvoir du décret ayant accordé son extradition au motif que cette demande méconnaissait le principe de non-rétroactivité de la loi pénale.

Le Conseil d’État, énonce la solution susvisée et rejette la demande de l’intéressé. S’agissant du principe de non-rétroactivité de la loi, le Conseil relève que la Convention du 26 novembre 1968 sur l’imprescriptibilité des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité, à laquelle la République fédérative socialiste de Yougoslavie était partie, renvoyait à la définition des crimes contre l’humanité fixée par l’article 6, c), du statut du Tribunal militaire international de Nuremberg. Ainsi, les crimes contre l’humanité étaient, à la date des faits reprochés, définis de façon suffisamment accessible et prévisible comme des crimes de droit international. Par conséquent, l’extradition de l’intéressé, demandée aux fins de poursuivre des faits qualifiés de crimes contre l’humanité, « qui étaient définis à la date de leur commission en vertu des principes généraux du droit international auxquels renvoie le droit pénal de l’État requérant, ne peut être regardée comme ayant été accordée en méconnaissance du principe de non-rétroactivité de la loi pénale imposé par l’ordre public français ».

Par June Perot
Source : Actualités du droit